Mahjong
La gloire de mon père.
Pour le spectateur français, l’exotisme de Mahjong sera de trouver Virgine Ledoyen, sortie de L’eau froide d’Olivier Assayas, fin connaisseur du cinéma taiwanais, dans ce film d’Edward Yang.
Winston Chen a disparu de la circulation car il ne peut plus rembourser les dettes de sa franchise de jardins d’enfants. Ses créanciers sont à ses trousses, et ils ont décidé de s’attaquer à sa famille à défaut de le trouver. Son fils, Red Fish, a mis les pas dans ceux de son père et monte des escroqueries à la petite semaine. Au début du film, il essaye de profiter de la crédulité d’un coiffeur à la mode, Jay. Pour ses combines, Red Fish est assisté de Hong Kong, joué par Chang Chen. L’acteur a depuis fait son chemin : Wong Kar-wai a fait appel à ses services à plusieurs reprises, en commençant par Happy Together. Il joue le beau gosse de service ; Luen-Luen est le chauffeur et le traducteur, tandis que Toothpaste se fait passer pour un homme de religion, d’où son surnom Petit Bouddha. Mais voilà que Marthe débarque fraîchement de Paris pour retrouver Markus, expatrié venu refaire sa vie à Taipei, dont elle est amoureuse. La française est rapidement l’objet de la convoitise des personnes en présence, aussi bien de Red Fish, que de la directrice d’un réseau de call-girls.
Mais elle apporte surtout sa sincérité dans ce marigot taïwanais. Une qualité dont la quasi-totalité des protagonistes du film sont dépourvus. Car s’il fallait caractériser Mahjong par un seul mot, factice serait le plus approprié.
A commencer par le choix du genre adopté par Edward Yang pour peindre le Taïwan du milieu des années 1990 : la satire. Pour décrire les différentes intrigues du film et les comportements des personnages, Edward Yang utilise un trait gras. Ainsi, Alison, même après avoir appris à ses dépens le fonctionnement bizarre de la petite bande, ne veut plus lâcher Hong Kong. Mais alors plus du tout, même s’il se sont comportés comme des sagouins avec elle. Ce trait est encore épaissi par le piètre jeu des acteurs.
Si le spectateur passe un bon moment avec cette bande d’olibrius et leurs entourloupes à la petite semaine, Mahjong prend toute sa dimension quand la parodie se dissout dans le drame. Les masques, ici plutôt les pistolets, tombent, les "affaires" sérieuses commencent.
Le réalisateur dénonce le caractère factice des relations humaines. Il n’existe pas de relation humaine autre que motivée par l’intérêt. Il s’agit de relations d’affaires, même si elles semblent être d’un autre ordre. Markus était en couple avec Alison, mais les relations familiales de cette dernière représentent une part importante de ses ventes. Seul l’argent est la glu qui les lie.
L’arnaqueur arnaqué.
Quant à Winston Chen et Red Fish, la seule chose qui semble les rapprocher est le goût de l’arnaque qu’il lui a transmis. "Raconte aux gens ce qu’ils veulent entendre", tel est le conseil prodigué par le père à son fils pour réussir ses arnaques. Jusqu’à ce que, arroseur arrosé, un ami de son père lui propose ce qu’il attendait de ce dernier : une association pour qu’il travaille dans la cour des grands. Mais cette proposition arrive au plus mauvais moment. Arnaque ultime, le fils vient de réaliser qu’il s’était fait arnaquer par son père sur le sens à donner à sa vie. C’est plus qu’il ne peut en supporter.
Le film traite du problème de compréhension entre les différentes générations de taïwanais, mais aussi entre les étrangers et les taïwanais. Cette incompréhension commence dès la première rencontre mise en scène par Mahjong. Red Fish et son traducteur n’arrivent pas à prononcer le nom Marthe et décident donc de la nommer Matra. Un nom connu par tous les habitants de Taipei car le métro de la capitale taïwanaise, mis au point par la société française, a connu de nombreux problèmes lors de sa construction. Encore un problème de compréhension ? Peut-être. Cette rencontre entre l’orient et l’occident se fait également sous le signe du faux. Occident de pacotille, le Hard Rock Cafe est le lieu où se noue l’intrigue du film.
Mahjong a été projeté à la Cinémathèque française en décembre 2010, dans le cadre d’un hommage à Edward Yang.



