Make it Big
Make it Big nous raconte l’histoire de Sung-Hwan, Woo-Seob et Jin Won, trois potes aux caractères très différents : l’un est timide et exprime sa passion pour Queen au travers de son site internet, sur lequel il s’expose par webcam interposée ; l’autre déteste son beau-père mais apprécie le confort financier qu’il lui fournit, et passe son temps à ignorer les limitations de vitesse à bord de sa voiture ; tandis que le troisième ne pense qu’à ses "aunties" : de jeunes demoiselles avec qui il passe tellement de folles soirées que ça en devient douloureux. Bref, nos trois héros sont des branleurs, pour utiliser un français correct.
Lors d’une virée nocturne de glande comme tant d’autres, un énorme sac atterrit d’on ne sait trop où sur le capot de leur véhicule, suivi de près par un homme qui s’écrase sur leur toit - visiblement mort. Dans le sac ? De l’argent, beaucoup d’argent. Bien sûr, les trois loustics décident, après moultes tergiversations, de garder le pactole pour eux - et ce en dépit du fait que le cadavre se soit subitement évanoui dans la nature. Lequel cadavre, bien vivant, n’est autre qu’un cambrioleur, dont le frère au service d’un prêteur sur gage du nom de Monsieur Kim avait arrangé un coup facile, brisé par la morsure d’un chien de garde vigilant. Ji-Hyung, détective pathétique, est assigné à la résolution de ce cambriolage - même si Kim, bien sûr, n’a pas déclaré la disparition de la somme coquette de 2 milliards de Won. Vous connaissez la suite : doucement, un étau multi-facette (truands, losers, police) va se resserrer autour des "nouveaux riches" insouciants...
C’est peut-être triste à dire, mais au bout des dix premières minutes du film, on se doute déjà que Make it Big ne sera pas une réussite. La présentation des personnages se veut hype, mais échoue à créer une ambiance à la Tarantino ou à la Guy Ritchie - à laquelle Jo Ui-Seok semble pourtant prétendre : Sung-Hwan, Woo-Seob et Jin Won sont loin d’être assez exacerbés pour être passionnants. Même le personnage de flic blasé, Ji-Hyung, ne nous transmet qu’une impression de loser uni-dimensionnel. Le seul personnage intéressant du film - qui est aussi le seul personnage féminin - n’a malheureusement droit qu’à quelques minutes d’écran ; dommage, on aurait bien aimé en savoir plus sur cette jeune fille amoureuse par écran interposé...
Alors que la toute première scène, narration mythomane de l’un des trois héros, laissait augurer d’un décalage intéressant entre l’être et le paraître, Make it Big ne s’intéresse qu’à la réalité bien plate de ses héros : leurs réactions sont sans saveurs, leurs cas de conscience sans consistence. Le rythme de la réalisation - qui tente le coup de la "richesse de style" mais ne débouche que sur un aspect global relativement brouillon - ne parvient pas à créer une nonchalance comique, mais simplement à rendre le film trop long. Ce qui est relativement frustrant pour une histoire supposé privilégier la fuite comme mouvement principal.
Alors de la course, bien sûr, il y en a ; on pourrait même dire que Make it Big est un hommage à la course-poursuite la plus pratiquée en Corée du Sud (si l’on en croit la production cinématographique récente du Pays du Matin Calme) : la course à pied. Mais on est bien loin ici de Nowhere to Hide, et l’on ne sait jamais pourquoi les personnages se dépensent de la sorte.
C’est d’ailleurs ce phénomène qui résume le mieux cette comédie sans intérêt : en l’absence d’un objectif narratif défini, Make it Big ne parvient finalement, contrairement à l’ambition de son titre, qu’à viser relativement bas, faisant semblant d’avancer dans une direction non définie qui de toute façon ne parvient presque jamais à susciter la moindre émotion chez le spectateur.
Je dis bien presque, car il reste tout de même deux scènes - très courtes - à sauver : le cauchemar du cambrioleur qui imagine son agresseur canin en train de lui envoyer un coup de pied retourné dans la tête, et se retrouve projeté dans la lune (littéralement) ; et cette scène de cours mémorable au cours de laquelle deux de nos trois héros dorment au fond de la classe, la tête posée sur un rêgle en équilibre et la bave coulant allègrement de leur bouche. Le reste n’est qu’un patchwork qui se regarde et s’oublie "en streaming" : chaque plan éclipse le précédent, jusqu’au générique de fin. Et hop : deux heures de perdues !
Make it Big est disponible en DVD Coréen (pas vu).



