Marathon
Cho-won est autiste. Un après-midi sa mère, abattue par l’épreuve que constitue l’éducation de son premier fils au quotidien, manque de le perdre dans un zoo. Elle décide alors de s’occuper de l’enfant du mieux qu’elle peut, pour faire de lui un membre de la société à part entière. Elle s’en occupe à tel point, que son mari la quitte et que son second fils paraît presque invisible à ses yeux. Mais seule compte l’intégration de Cho-won. La mère constate un jour que Cho-won a des prédispositions pour la course à pied, et qu’il semble même y prendre du plaisir. Elle s’impose alors à un ancien champion de marathon, bourru et alcoolique, forcé de faire 200 heures de travaux d’intérêt public dans une école pour autistes suite à une arrestation pour conduite en état d’ivresse, pour qu’il entraîne Cho-won pour une course de 42,195 kilomètres...
Marathon conte l’histoire vraie de Bae Hyeong-jin, ce jeune autiste coréen qui a réussi à passer sous la barre des 3 heures lors de son premier marathon, rentrant dans la catégorie « sub-3 » convoitée par les coureurs amateurs. Ce héros national a depuis accompli un exploit plus incroyable encore, en remportant un triathlon ; mais avant la réussite sportive, il y a celle, humaine, que constitue son histoire.
Pour écrire et réaliser Marathon qui est son premier film, Chung Yoon-chul s’est investi personnellement aux côtés de Bae Hyeong-jin pendant de longs mois, allant même jusqu’à courir quotidiennement à ses côtés. Une expérience qui lui a permis de décrire la réalité de cet enfant dans un corps d’adulte, en même temps que les difficultés rencontrées par ses proches. Sans doute est-ce cette implication qui participe à l’incroyable sincérité de Marathon ; on ne peut s’empêcher de penser cependant, que l’incroyable maturité de son auteur ainsi que son intelligence, y sont pour beaucoup.
Loin d’être un simple mélodrame, construit comme une montée en puissance de l’affectif et d’un potentiel lacrymal légèrement éhonté, Marathon est un portrait optimiste, tendre sans être jamais biaisé. Ainsi la difficulté de la vie, pour un autiste comme pour sa famille, est-elle posée d’entrée de jeu par la mère de Cho-won. Celle-ci ne s’impose pas au cours d’un monologue moraliste, mais au travers d’évidences quotidiennes, préférant laisser le premier rôle aux efforts fournis par chacun pour surmonter la maladie. Le réalisateur offre ainsi une incroyable leçon de vie à ses spectateurs, au premier rang desquels ceux qui connaissent la chance et le défi constant que représente la position de parent.
Marathon est un film sur la vie, le sport, le rêve et le contact. Ce contact simple, oublié de bon nombre de nos contemporains, que Cho-won symbolise par sa main tendue lorsqu’il court. Avec elle, il caresse les arbres, le vent, et son imaginaire, au coeur duquel trône sa passion pour les zèbres et l’Afrique, découverts dans son plus jeune âge au travers d’un documentaire qu’il connaît par cœur. Incapable de considérer son entourage, l’autiste vit dans un univers bien à lui ; il convient alors à ceux qui le côtoient, de comprendre les règles qui le régissent, pour l’atteindre, partager et surtout, l’amener à comprendre la notion de l’autre, l’amitié. Le fait que Cho-won obtienne ce savoir de cœur grâce au personnage de l’entraîneur aurait pu paraître caricatural, si Marathon ne sonnait pas si juste dans chacune de ses phrases, de ses images, de ses émotions. Le jeune Cho Seung-woo est impeccable dans son interprétation de Cho-won, ne jouant pas un malade mais véritablement un enfant, touchant lorsqu’il se fait le porte-parole inconscient de la douleur de sa mère, incroyablement drôle lorsqu’il applique les règles que celle-ci lui a enseignées (notamment celle, essentielle, de sortir de son appartement pour pêter).
Construit sur le schéma d’un film de sport classique tout en dosant intelligement les mécanismes du mélodrame coréen, Marathon se termine sur une sublimation du courage et de l’imaginaire, puisant de façon presque fantastique dans les rêves de Cho-won pour lui donner la force de recevoir de la part des êtres humains qui l’encouragent, endurance, respect, et considération humaine ; soit une leçon de tolérance, qui va bien au-delà de la maladie. Le sport est de plus parfaitement traité par ce personnage qui symbolise la difficulité de concilier dans l’effort, la conscience du corps et celle de l’esprit. Rappelons que ce film en est un premier, que Chung Yoon-chul est jeune et qu’il semble embrasser, de façon généreuse, l’homme, malade ou non, dans toute sa complexité. Qu’on se le dise : cet auteur-réalisateur, comme son sujet et son film, est merveilleux !
Présenté en clôture du 8ème Festival du film asiatique de Deauville, Marathon sortira sur les écrans français le 26 avril 2006. Il est par ailleurs disponible en DVD coréen, sous-titré en anglais.



