Memories Look at Me
A Jean, Michel et Marie J.
Fang Song revient de Pékin à Nankin pour passer quelques jours chez ses parents qui sont à la retraite. Agée d’une trentaine d’années, elle est toujours célibataire contrairement à son frère aîné, marié et père d’une fille. La jeune femme occupe ainsi une place particulière parmi les personnes présentes à l’écran et celles avec lesquelles elles communiquent par téléphone. Des discussions entre les différents protagonistes émergent un portrait de deux générations, la sienne et celle de ses parents. Mais à travers des épisodes passés de leur vie qu’ils se remémorent et ceux qu’ils vivent actuellement, la réalisatrice décrit aussi l’ensemble de la vie d’un homme : naissance, éducation, vie active, mort...
J’aimerais de nouveau avoir 17 ans, confie la jeune femme à sa mère. Fang Song est arrivée à un moment de sa vie où elle se retourne vers son passé. Pourquoi ? La réalisatrice dont c’est le premier long métrage donne peu d’indices. Le fait que ses parents soient déjà âgés, vraisemblablement. La mort occupe une place omniprésente dans ce film : la parente atteinte d’un cancer, les souvenirs de parents décédés... Plus surprenant, la réalisatrice filme à plusieurs reprises les parents endormis, le visage serein comme s’ils étaient plongés dans leur dernier sommeil.
Cette issue fatale qui nous attend tous nous renvoie à notre propre mortalité et nous incite à réfléchir sur notre vie. La décision de filmer quasiment seulement dans l’appartement des parents - un appartement cercueil selon un spectateur - contribue en outre à donner au film cette atmosphère de fin de vie.
Ce film pourrait déconcerter certains spectateurs qui considéreraient l’expérience proposée par la réalisatrice comme trop proche de la leur pour s’y plonger. Ces réminiscences finissent pourtant par donner à Memories Look at Me une vraie densité. Ce thème de la mémoire a sans doute plu à Jia Zhang-ke, producteur du film, dont c’est l’une des principales préoccupations.
Memories Look at Me opère dans une zone grise entre fiction et documentaire. La réalisatrice Fang Song joue le rôle du personnage principal et ses parents dans ce long-métrage sont vraiment les siens. De la même façon, si le film semble être une chronique réaliste il a été scénarisé. La porosité entre fiction et documentaire est un thème commun de plusieurs films projetés à Nantes. Ce qui n’a rien de surprenant pour un festival qui a décidé de fondre les sections fiction et documentaire dans une même compétition, il y a quelques années.
À la différence d’un autre film en compétition, Sleepless Night, où ce qui tient du documentaire et ce qui tient de la fiction est aussi difficile à démêler, Memories Look at Me se distingue par une véritable construction cinématographique (son absence est sans doute ce qui plaît dans Sleepless Night). La jeune réalisatrice a filmé avec une certaine élégance cette histoire dans l’appartement exigu de ses parents. Le soin qu’elle y a apporté inscrit aussi Memories Look at Me dans la continuité des films de son producteur Jia Zhang-ke.
Memories Look at Me a été présenté lors de l’édition 2012 du Festival des 3 Continents (Nantes), en compétition officielle.



