Mercano le Martien
Mercano promenait tranquillement son « chien » sur le sol orangé de son austère mais sereine planète, lorsque l’équivalent canin martien - une espèce de bulle violette avec de nombreuses pattes - s’est pris une sonde Voyager sur la tête. « Nous sommes de la planète Terre. Nous ne vous voulons aucun mal et venons en paix. » Ben tiens. Mercano furax, est monté dans sa soucoupe pour se rendre sur la planète bleue et venger son compagnon, mais pas moyen de la faire démarrer. Quelques coups plus tards, l’appareil s’est envolé mais Mercano en a perdu le contrôle ! A l’approche de la Terre, il n’a pas pu freiner et s’est écrasé lamentablement. C’est pourquoi - ainsi qu’il l’explique à ses compatriote au travers d’une simple connexion internet ! - Mercano s’est retrouvé coincé chez nous, en Argentine, et aimerait bien qu’on vienne le chercher... Comme il s’ennuit, il se programme un petit monde virtuel sur son ordinateur, afin de pouvoir se promener sur Mars comme s’il y était. Il y est rejoint accidentellement par Julian, un nerd comme on n’en fait plus qui devient son ami. Mais le père de Julian, vil industriel en panne d’inspiration, découvre lui aussi la création de Mercano. Piégant l’extraterrestre en lui faisant croire qu’il peut le renvoyer chez lui, il transforme son monde virtuel en moyen de globalisation forcené, asservissant l’ensemble de la population terrienne à l’aide des découvertes extraites du cerveau de Mercano. Julian pourra-t-il sauver non seulement son ami, mais aussi l’ensemble de ses congénères ?
Mercano est à l’origine le héros d’une série télé légèrement subversive, comme le prouve d’emblée son propre nom : en Argentin, « Merca » désigne la cocaïne ; aussi « Merca No » est-il un « Non » franc et massif à la drogue. Mais Mercano n’a pas été créé que pour dire « Non » à cette substance particulièrement présente en Amérique du Sud ; sa cible se nomme avant tout Mondialisation. Toute l’histoire de Mercano - dans sa forme long-métrage du moins - s’intéresse aux dangers que représente l’envahissement des technologies dans nos vies, et tout particulièrement Internet. Le monde virtuel créé par Mercano et remodelé par le père de Julian en gigantesque simulacre de vie à vocation commerciale, est une projection à peine poussée de ce que pourrait donner un univers persistant en ligne - type jeu de rôle - s’il tombait dans les mains des forcenés du « Village Global ». Un Village que les « méchants » capitalistes du film souhaitent tellement s’approprier, qu’ils offrent des ordinateurs à la Terre entière, dans le seul but de les piéger dans ce monde virtuel. Au passage, un peuple est symboliquement envahi, et sa culture anéantie. Bien que je sois moi-même désormais conquis à la cause du MMORPG - jeu de rôle massivement multijoueur en ligne, aussi connu sous le nom de « RPG à Momo » -, force est de constater que l’anticipation est loin d’être tirée par les cheveux.
C’est d’ailleurs ce qui est intéressant dans Mercano le Martien. En dépit d’une trame ouvertement abracadabrante, d’un héros surréaliste dont la bouche fusionne avec le casque, et d’un petit garçon tradionnellement banni des écrans transformé en sauveur de l’humanité, le film de Juan Antin se veut finalement très crédible, limite terre à terre (sans jeu de mots). L’argentin conserve en effet ce qu’il faut de retenue au milieu de la colère ultra-violente du petit martien, pour que son film reste avant tout politique et non délirant. C’est en cela qu’il est juste - comme l’a fait l’éditeur français du DVD, CTV - de comparer Mercano le Martien dans une certaine mesure, à South Park. Je dis bien dans une certaine mesure, car s’il se sert d’une animation en apparence simpliste - mais en réalité très maîtrisée, notamment au travers de son utilisation ultra-dynamqiue de la 3D - pour soit-disant s’infantiliser, Mercano le Martien ne se travestit pas vraiment dans le simple but de choquer. Il ne bouscule pas mais donne à réfléchir, bien que sa franchise explicite puisse par moments passer pour de la naïveté - ce qui n’est jamais le cas de South Park.
Le gros point fort du film bien entendu, reste son héros ; martien ridicule au design fabuleux, quelque part entre Plympton et Trondheim, et dont les mimiques sont parfaitement maîtrisées par l’équipe ultra-dévouée du film (puisque réduite à seulement seize personnes en cours de production, à cause de la crise argentine). A lui seul - et notamment grâce aux bruitages hilarants qui l’accompagnent dans ses déplacement - il justifie la vision de ce « petit » pamphlet, simple et jouissif, moins proprement argentin que la série dont il est tiré. Merde alors - Mercano profiterait tout de même d’une certaine mondialisation ? C’est le seul petit bémol - non dommageable - de cette rafraichissante aventure, qui oublie tout de même dans son enthousiasme communicatif, d’être en demi-teinte...
Mercano le Martien est disponible en DVD zone 2 français, édité par CTV. Le film est présenté dans une copie anamorphique très correcte, et accompagné d’une longue interview - très bon enfant - du réalisateur (c’est incroyable tout ce qu’un argentin peut raconter en une demi-heure !), de quelques épisodes de la série originale (chacun dure entre une et deux minutes), et des bandes annonces et Spots TV d’origine. On aurait bien aimé - on peut toujours rêver - l’intégrale des épisodes de la série, mais c’est déjà ça de pris ! D’autant que vous pouvez compléter votre découverte avec le site par lequel tout a commencé, www.malcriados.com, et découvrir par la même occasion d’autres créations de la même équipe de trublions.