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Metalhead

aka Málmhaus | Islande | 2013 | Un film de Ragnar Bragason | Avec Ingvar Eggert Sigurðsson, Þröstur Leó Gunnarsson, Þorbjörg Helga Þorgilsdóttir, Halldóra Geirharðsdóttir

Dans l’Islande rurale des années 80, Hera perd son grand frère Baldur, métalleux souriant, dans un accident agricole. Plutôt que de se réfugier, comme ses parents, dans la foi qui unit sa communauté restreinte, l’enfant prend le Créateur en grippe, brûle son attirail de petite fille, et conditionne sa personnalité à l’intégration de celle du défunt, s’approprie sa garde-robe et sa guitare pour maintenir Baldur en vie. Désireuse de quitter la ferme laitière de ses parents, Hera se rend régulièrement à l’arrêt de bus qui lui permettrait de rejoindre la ville, mais ne monte jamais dans le car. Quelques années plus tard, toujours sur le départ mais jamais partie, suffisamment grande pour remplir les vêtements de son frère dans lesquels elle flottait autrefois, Hera, seule contre tous, poursuit son travail de deuil, en musique saturée et comportement antisocial, au grand désespoir de ses parents et des villageois...

Peut-être est-ce l’émanation douloureuse, de perte et de métal, qui plane sur cette troisième semaine de novembre 2015, qui fait remonter en moi le souvenir de Metalhead, vu il y a plusieurs mois déjà, et de la justesse de son tableau de la détresse vécue – partagée, imposée, subie - par ceux qui restent, ceux qui vivent l’absence, et cherchent, dans la musique ou autre chose, un moyen de la combler...

Si le film de Ragnar Bragason, réalisateur et scénariste maintes fois primé en Islande, principalement pour son travail sur le petit écran, s’ouvre sur une scène ensoleillée, la disparition de Baldur se double de celle d’une certaine luminosité. Metalhead se pare alors d’une quasi-monochromie, de neige et de froid, qui ne parvient pas à être transitoire ; cette absence de chaleur, comme le cri polymorphe de la jeune Hera, allant s’amplifiant au fil de l’histoire. Une histoire rythmée par les rapprochements refusés, les intimités reniées ou impossibles, les mains tendues mordues ; autant d’incarnations de l’affranchissement volontaire d’Hera, familial et social, trop obnubilée par l’expression cathartique, individualisante, de sa colère et de sa tristesse pour se soucier de son intelligibilité, et donc des écoutes qui pourraient lui être données. Jusqu’à ce que l’un de ses morceaux, lancé comme une bouteille à la mer sur bande magnétique, trouve écho chez de jeunes musiciens norvégiens.

L’intelligibilité. Il s’agit là à mes yeux, de l’un des mots clés de ce film simple et magnifique, qui parlera d’autant plus à ceux qui ont construit tout ou partie de leur personnalité sur cette même culture musicale, sur l’écho trouvé dans l’essor des musiques dites « extrêmes » dans les années 90. Y régnait, et y règne encore, un désordre d’énergies et messages, dans lequel bon nombre d’entre nous, chacun à notre manière, ne cesseront jamais de nous reconnaître, parfois même dans une contradiction, comprise et acceptée, de fond et de forme. Cette forme qui, parfois – et c’est le cas d’Hera – nuit à l’appréhension du fond, à la reconnaissance de sa beauté, à la compréhension de son existence même.

Je ne veux pas trahir la fin sublime de Metalhead, l’intensité de l’émotion que Ragnar Bragason et que l’actrice Þorbjörg Helga Þorgilsdóttir y mettent en scène et en musique, mais je vous encourage à aller y reconnaître l’émotion complexe de l’humain, faite de la juxtaposition continue de la mort et de la vie, de la violence et de l’amour, de l’inertie du passé et de l’envie d’avancer. Le discours, débarrassé de toute caricature et provocation, y rencontre l’écoute dans un terrain qui définit l’essence - du moins ce qui devrait l’être - de notre rapport aux autres : la tolérance. Et alors, la vie reprend le dessus.

Peace. Love. Death Metal.

Metalhead, qui n’a pas connu de distribution en France, est notamment disponible en DVD et Blu-ray islandais (avec sous-titres anglais) ici : http://www.weboxit.is/categories/movies.

- Article paru le lundi 16 novembre 2015

signé Akatomy

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