Millennium Mambo
Hou Hsiao-Hsien... Shu Qi... le cinéma... la beauté... l’émotion... la vie... c’était il y a dix ans, en 2001...
2001. Vicky (Shu Qi), jeune Taïwanaise désœuvrée d’une vingtaine d’années, est partagée entre son amour pour Hao Hao (Tuan Chun-Hao), jeune paumé s’improvisant DJ à la jalousie exacerbée, et son affection grandissante pour Jack (Jack Kao) un "homme d’affaires" mafieux, sorte de compromis entre le père et l’amant. Un jour, alors qu’elle rentre de boite de nuit, Hao Hao, en véritable tyran, lui fait une scène et la violente. Elle décide alors de le quitter dès qu’elle aura dépensé les 500 000 NT$ qui se trouvent sur son compte. Lors de ses nombreuses escapades, c’est chez Jack que Vicky trouvera refuge...
Millennium Mambo ne se regarde pas ; il se vit. Expérience cinématographique ultime d’une rare beauté, le dernier film de Hou Hsiao-Hsien est un hymne à la mélancolie et aux moments fugaces d’une jeunesse - pourtant désespérée - déjà loin.
Dès les premières images, un frisson m’envahit ; une jeune fille aux cheveux longs (Shu Qi) marche au ralenti sous des arcades éclairées aux néons. Une musique envoûtante commence au même instant, et la voix de la jeune femme retentit comme venant de nulle part... Vicky est enfermée dans un monde qu’elle subit plus qu’elle ne vit ; elle travaille dans une boite de nuit et c’est tout. L’amour, l’alcool, la drogue, les cigarettes sont les éléments récurrents du film de Hou Hsiao-Hsien. Un amour pourtant difficile à trouver tant les trois personnages principaux s’isolent chacun dans leur univers ; Vicky dans son monde de la nuit, puis dans l’alcool et le tabac ; Hao Hao dans la drogue et la musique (il se ferme à toute communication en mettant son casque sur les oreilles) ; et Jack en continuant ses activités mafieuses.
L’ "amour" qui unit Vicky et Hao Hao n’est que violence et semi-indifférence, et Vicky va peu à peu sombrer dans l’alcoolisme, échappatoire "facile"... Puis, soudain, au milieu du film, une fenêtre où l’air est bon à respirer et où tout semble plus léger ; Vicky part à Hokkaido dans le nord du Japon, dans la ville natale de deux frères DJ rencontrés en boite à Taipei. Le calme, la neige, le bonheur dégagé par la grand mère des deux jeunes hommes, la simplicité de vie et même une part de rêve, grâce aux affiches de cinéma éparpillées dans la ville, sont plus que palpables dans ce qui restera le seul véritable moment du film où Vicky ne semble pas tourmentée par quelque chose ou quelqu’un. Elle est telle une enfant non pas perdue mais revivifiée, régénérée au milieu de ce monde qui n’est pas le sien mais - c’est peut-être pour ça - semble la rendre heureuse. A son arrivée à Taïwan tout recommence ; son premier geste est de se servir un verre d’alcool, la mine triste, comme si ce qu’elle venait de vivre était déjà effacé de sa mémoire...
Hou Hsiao-Hsien à qui l’on doit quand même pas mal de films tous plus réussis les uns que les autres, de A Time to live, a Time to Die au magnifique City of Sadness (La Cité des Douleurs - Lion d’Or à Venise en 1989), en passant par Le Maître des Marionnettes, Goodbye South, Goodbye ou plus récemment Flowers of Shanghai (Les Fleurs de Shanghai), signe ici un film profond et en même temps très beau formellement. Les comédiens, dirigés par le maître, sont bien entendu excellents ; Jack Kao (Goodbye South, Goodbye, Full Alert) égal à lui-même, c’est à dire parfait, et Shu Qi, qui obtient ici un rôle à sa mesure, "découverte" par toute la presse cinématographique française ainsi que par une grande partie du public grâce à HHH : mieux vaut tard que jamais ! Shu Qi... Shu Qi porte à elle seule Millennium Mambo, elle est fragile et forte à la fois, représentative d’une jeunesse Taïwanaise perdue, qui se cherche dans un pays sans cesse en proie à l’ancienne mère patrie, Shu Qi EST la mélancolie... Shu Qi n’est pas seulement belle, elle est aussi "Belle"...
Il y a tant de thèmes à développer, tant de choses à dire sur Millennium Mambo... mais il se ressent - ou non d’ailleurs - avant tout avec le corps, le cœur, l’esprit, bref selon la sensibilité de chacun, mais en tout cas, il ne peut laisser indifférent et c’est assurément l’un des plus beaux films de l’année (si ce n’est le plus beau)... Shu Qi, wo ai ni...
Pour le moment rien, hormis au cinéma... courez-y !
La musique du film composée par Lim Giong et Yoshihiro Hanno est disponible en France (Milan).


