Milocrorze : a Love Story
N’importe nawak. Telle pourrait être la description la plus pertinente de Milocrorze. Les japonais nous offrent une fantaisie comme ils aiment parfois le faire. Pour les connaisseurs, ce film s’inscrit dans la lignée de Party 7 de Katsuhito Ishii. Comme si lassé de suivre la règle selon laquelle aucun clou ne doit dépasser, ils feraient en sorte qu’aucun ne soit à la même hauteur.
Le film entremêle (et les fait même se percuter) trois histoires au thème commun : les histoires d’amour finissent mal en général. Une référence involontaire aux Rita Mitsouko qui tombe pourtant à pic. Le pull vert pomme et le pantalon à carreaux roses, résolument kitsch, du héros de la première partie, auraient certainement plu à Catherine Ringer dans les années 80. Ils pourraient même encore lui plaire.
La meilleure historiette de Milocrorze, c’est-à-dire la plus drôle et la plus folle, est celle du conseiller en drague. Il tente d’aider par téléphone des garçons gourds en amour, mais ses recommandations sont farfelues. Ses interventions sont marquées par une séquence dansée sur fond de musique au rythme très contagieux. Vêtu d’un costume blanc - claire référence à Tony Manero (John Travolta dans La fièvre du samedi soir ) - il se trémousse entouré de deux donzelles légèrement vêtues. Cette séquence sert de climax à plusieurs scènes particulièrement déjantées. Création la plus réussie de Milocrorze, ce personnage frappadingue mériterait un film à lui tout seul.
Milocrorze n’échappe pas à la malédiction des films à sketches : la qualité inégale des différents segments. Celui qui ouvre et clôt le film, où l’on suit les tribulations d’Ovreneli Vreneligare, est sans doute la plus faible. Dans un film riche en extravagances qui font son intérêt, cette partie est trop sage. Tous les personnages portent des noms à coucher dehors, même le chat (Verandola Gorgonzola), animal ultra-poilu très poilant, sans doute un cousin nippon des chats joueurs de baby-foot et fumeur de joint des Nuls. Ces noms prononcés à la japonaise dans un dialogue en japonais ajoutent une couche au côté incongru de cette séquence.
Même s’il a des occupations d’adulte, Ovreneli Vreneligare possède le corps d’un enfant de 7 ans, qui est sans doute son niveau de maturité affective. Sa vie bien morne (métro, repos, jardin) contraste avec les couleurs éclatantes - dignes de celles des Teletubbies - de son monde, jusqu’à ce qu’il tombe amoureux d’une femme : Milocrorze.
La troisième histoire raconte les aventures d’un homme qui tombe amoureux d’une fleuriste. Jusque-là rien que de très normal. Mais sa dulcinée est enlevée par des bandits de grand chemin, et notre héros se transforme en bretteur pour la délivrer dans un Japon médiéval. La scène de chambara - sans doute un peu trop longue - parodie les scènes du genre avec ralenti et bodycount exagérés (avec peut-être des poses tirées d’estampes) et s’assure un statut culte. C’est un mot galvaudé, mais il faut appeler un chat, un chat (même si son nom est Verandola Gorgonzola).
Milocrorze est un film au ton décalé et absurde qui fait du bien aux zygomatiques. Mais sa vision m’a laissé un arrière-goût de vacuité. Une sorte de film meringue : le sucre excite fortement vos papilles quand vous la dégustez, mais son goût se dissipe rapidement. D’un autre côté, je reconnais que l’on aurait tort de bouder son plaisir pendant qu’il dure.
Milocrorze a été projeté à l’occasion de la 17ème édition de L’Etrange festival (2011).




