Mission : Impossible III
Believe it or not, Ethan Hunt a quitté la IMF (Impossible Mission Force), pour embrasser la vie d’un homme normal, employé du département des transports et chargé des modèles de flux de circulation. C’est à sa rencontre avec la belle Julia Meade qu’il doit cette retraite anticipée, désireux de vivre l’amour sans entraves terroristes. Un soir, Hunt reçoit un message de ses anciens employeurs : la jeune Lindsey Farris, seul élève de l’agent qu’il a lui même recommandé pour le service actif, a été capturée par un certain Owen Davian. Hunt accepte cette mission à contre-cœur, mais alors qu’il pense avoir réussi à sauver sa disciple, la jeune femme décède des suites d’une explosion... due à une bombe logée à l’intérieur de sa tête. L’agent du IMF reprend du service pour traquer Davian, aux côtés de son pote Luther Stickell et de deux nouveaux venus, Musgrave et Zhen Lei (toujours magnifique mais sous-employée Maggie Q - si peu vétue pour entrer au Vatican) . Mais il n’a aucune idée du calibre du bad guy auquel il se prépare à s’attaquer...
Mission : Impossible III fait partie de ces projets à la production houleuse, passé dans les mains de plusieurs réalisateurs dont Joe Carnahan (Narc), avant d’échouer dans les mains de J. J. Abrams, créateur d’Alias et de Lost. Le choix paraît logique : les aventures de Sydney Bristow doivent en effet beaucoup à la série Mission : Impossible, dans ses motifs d’espionnage comme dans son utilisation d’une technologie de pointe, pour ne pas dire improbable... mais le serpent ayant pour habitude de se mordre la queue, M:i:III est avant tout Alias, le film. Après un premier opus plutôt froid et chiant signé DePalma, et une merveille opératique, ode à l’inertie signée John Woo, voici donc un blockbuster techno et cosmopolite dont le mot-clé est certainement la nervosité, première véritable transposition des mécanismes propres aux séries contemporaines. Avec ce que cela comporte de points positifs et négatifs...
Il ne fait aucun doute que le soin apporté aux séries de nos jours est à l’origine d’une véritable revitalisation de l’écriture cinématographique : le temps y est superbement maîtrisé, qu’il soit dilaté (24) ou comprimé (Alias) pour accélérer, de façon différente, la narration, et les personnages y font preuve d’un développement poussé et rigoureux. Le point négatif des séries actuelles - et c’est un fan qui vous parle -, c’est que l’attention est tout entière portée sur l’évolution de la trame, sur les rebondissements et les redéfinitions d’enjeu, dans le but de rendre le spectateur toujours plus captif, dans la promesse d’une éventuelle résolution (Lost, anyone ?)... seulement voilà : cette résolution est en elle-même passablement méprisée, puisqu’elle marque désormais la mort financière d’une série, et non sa conclusion souhaitée. Alias n’a pas échappé à ce triste destin, et Mission : Impossible III en est une parfaite retranscription en deux heures de temps.
A la manière de bon nombre d’épisodes des frasques de la famille Bristow, M:i:III démarre par la fin du film. Un procédé qui vise à rendre l’ensemble nerveux d’entrée de jeu et à créer un suspense fictif et maîtrisé, et qui fonctionne parfaitement en cohérence avec les possibilités de l’univers de Mission : Impossible et de ses identités empruntées, mais qui se substitue déjà, dans sa condition de futur certain, à une nécessité de conclusion. Par la suite, J. J. Abrams fait encore augmenter les enchères avec des scènes d’action ahurissantes : le sauvetage de Keri Russell, et surtout l’incroyable séquence sur le pont, au cours de laquelle Owen Davian, parfait Philip Seymour Hoffman, est libéré par les siens... J. J. Abrams accule son personnage, le transfigure en agent au bord du gouffre, prêt à tout pour sauver sa femme... y compris récupérer une mystérieuse « patte de lapin » pour le compte du terroriste dont il souhaite la mort. Puis, Abrams laisse le soufflet retomber à l’approche de la fin du temps réglementaire de narration. Qu’importe, puisqu’il nous a maintenus en haleine pendant 90% du métrage ?
Telle est la démarche issue de l’univers des séries. La « patte de lapin » renforce encore ce sentiment d’ignorance volontaire d’une conclusion satisfaisante : s’il est amusant de ne pas savoir ce que l’objet est réellement, cette astuce est aussi symptomatique du mépris d’une véritable fin. L’enjeu n’a même pas besoin d’être défini, tant que l’action est intelligemment relancée pour nous faire avancer jusqu’au terme de la projection ; même si la fin de notre intérêt de spectateur se situe en réalité en amont, au moment où le métrage rattrape et explicite sa propre exposition... Malheureusement, ce qui fonctionne sur une centaine d’épisodes grâce à l’attachement que l’on développe pour des personnages, ne peut fonctionner sur le grand écran, où le foirage d’une fin déstabilise un film, quelles que soient ses qualités antérieures (on pense par exemple au Minory Report de Spielberg) ; et celles-ci sont pourtant nombreuses dans Mission : Impossible III, véritable film d’action contemporain et moderne. Dommage que son adéquation avec la culture télévisuelle, indiscutable, se traduise par les mêmes lacunes...
Sorti sur les écrans français le 3 mai 2006, Mission : Impossible III est désormais disponible en DVD.




