Misty
Play "Misty" for me, Ikeda-san...
Mikio Fujikawa est yakuza... Lorsqu’il apprend le suicide de sa grande sœur Mizue, sa seule et unique famille, il décide de rentrer à Asanomiya. Arrivé dans sa ville natale, il se met à douter du suicide de Mizue... Fujikawa cherche une explication auprès de ses amis d’enfance... mais ils sont tués les uns après les autres, hormis le discret Sekine, tandis qu’il essuie l’attaque d’un mystérieux motard surarmé. Blessé, Fujikawa fait la rencontre de la jolie Ayako, une hôtesse de bar. Alors que les heures semblent s’écouler comme des années dans cette petite ville, Fujikawa semble attirer à lui une violence inexplicable. Il découvre alors que sa sœur était liée au Taiseikai, un clan de yakuza, et à Takayama, conseiller municipal... Alors qu’il retrouve la trace de ce dernier, l’homme mystérieux qui a semé mort et chaos sur le chemin de Fujikawa, enlève Takayama, provoquant Fujikawa pour un ultime duel...
Toshiharu Ikeda fait partie des rares réalisateurs nippons dont la carrière a débuté dans les années 80, à avoir une reconnaissance relative en dehors de son propre pays... Shiryo no Wana, plus connu en nos contrées occidentales sous le titre Evil Dead Trap, thriller horrifique (écrit par Takashi Ishii) à la réalisation soignée et stylisée datant de 1988, qui ne craint aucunement la comparaison avec les meilleurs films d’Argento... Quelque peu "enfermé" par le public occidental à cause/grâce à cet excellent hommage à tout un pan du cinéma de genre européen, Ikeda, réalisateur prolixe et éclectique a réalisé entre 1980 et aujourd’hui, pas moins de trente long-métrages, du film d’exploit’ (Sukeban Mafia) au pinku (Tenshi no Harawata - Akai Inga), en passant par le pseudo-remake de mythe (Joshuu Sasori Satsujin Yokoku)... Misty, son treizième long-métrage, produit sous l’égide de la Director’s Company (à ne pas confondre avec Misty -cf. article, envoûtant remake teinté d’érotisme du Rashômon de Kurosawa, réalisé en 1996 par Kenki Saegusa) est une incursion dans un univers étrange qui mêle histoire d’Amour(s), voyage à travers l’enfance, et film de yakuza ultra-violent...
Fujikawa est un yakuza ; sorti de cette considération qui est un fait établi, l’homme semble déconnecté de toute relation humaine "normale" pouvant légitimement entraîner des sentiments. Vindicatif, ne laissant transparaître aucune émotion et peu enclin à la communication sous une autre forme que la violence physique, il est confronté à la perte de l’être qui lui est le plus cher (ce dont il prend alors conscience)... A vif, l’âme de Fujikawa va peu à peu s’ouvrir à la jeune Ayako, sorte d’ange gardien fragile, détenant une pureté que rien ne peut désacraliser, y compris son métier d’hôtesse que Fujikawa n’entraperçoit à aucun moment, se focalisant sur cette beauté qu’elle dégage, cette bonté qu’elle lui offre sans rien attendre en retour, un altruisme primaire forcément émouvant... et attirant. L’homme dur tombe sous le charme de la faiblesse de cette femme, qui en cela fait preuve d’une véritable force...
...si Fujikawa laisse peu à peu tomber sa carapace, un maelström de violence envahit sa sphère vitale et les êtres qui la composent ; lorsqu’il retrouve ses amis d’enfance, le petit groupe se voit pulvérisé au compte-goutte par un homme dont on n’aperçoit pas le visage, sorte de vengeance incarnée et invisible qui semble indestructible -à de nombreuses reprises, Fujikawa pense en avoir terminé avec lui- et le poursuit sans répit... derrière le présumé suicide de sa sœur, se cache un étrange jeu qui mêle amour et lâcheté...
Hormis sa mise en scène qui assène le spectateur d’une violence à laquelle il ne peut échapper, soudaine et sans concession, Ikeda aime avant tout une certaine proximité avec ses comédiens principaux. Génial acteur -qui n’a certainement pas la carrière qu’il mérite- chantre d’un certain cinéma d’auteur nippon de la fin des années 70 au début des années 80, où il apparaît dans des productions mythiques de l’ATG -Art Theatre Guild- telles Sâdo (Third de Yôichi Igashi /1978) ou Enrai (Kichitarô Negishi /1981), Toshiyuki Nagashima, vingt-sept ans de carrière et soixante et onze films, est apparu chez Takashii Ishii (Gonin), mais également dans bon nombre de direct to video de qualité (Gokudô no Onnatachi - Akai Satsui), et quelques kaijû eiga dont l’excellent Gamera 2 - Legion Shurai, dans lequel il tient le rôle du Colonel Watarase... C’est Miho Tsumiki (Sakura no Sono) que l’on retrouve à ses côtés, prêtant son physique désarmant tant le charme qu’elle dégage est démesuré au milieu de cette violence qui semble sans fin...
La mort, la violence, l’Amour, la famille, la rédemption... les thèmes développés dans Misty sont universels... Toshiharu Ikeda, trois ans après son chef-d’œuvre castrateur, accouche d’un film magnifique, éminemment humain et empli d’un lyrisme faisant preuve d’un optimisme rare qui contraste avec la violence qu’il s’évertue pourtant à dépeindre pendant près d’une heure quarante. Intense et passionné, Misty, magnifique ode à l’Amour et à la Vie selon Ikeda, mérite amplement de sortir de l’ombre faite par son grand frère...
Existe en VHS (NTSC) chez Toho Video au Japon.


