Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong | Festival du film asiatique de Deauville 2006

Mob Sister

aka Ah Sou | Hong-Kong | 2005 | Un film de Wong Ching-Po | Avec Annie Liu, Anthony Wong, Simon Yam, Eric Tsang, Alex Fong, Liu Ye, Karena Lam, Tse Kwan Ho, Yuen Wah, Kai Chi Liu, Lawrence Cheng

Si le polar HK a connu une année 2005 exceptionnelle, de l’incroyable One Nite in Mongkok de Derek Yee, en passant par le trop attendu Election de Johnnie To, jusqu’à l’ultra stylisé SPL de Wilson Yip, force est de constater que le surestimé Wong Chin-Po, dont on annonçait l’avènement comme l’un des rénovateurs du genre depuis son inégal Jiang Hu (2004), ne fera que nous conforter dans notre impression initiale, à la vision de son dernier long-métrage.

Recueillie par le boss (Gent/Simon Yam) d’une des triades les plus importante de Hong-Kong, Ah Sou, dont les parents ont été assassinés, vit protégée du milieu machiste de la pègre, par ses oncles et son père adoptif qui veille sur elle. Après avoir étudié aux Etats-Unis, elle revient vivre au sein du clan, ignorant tout des affaires familiales qui se trament, jusqu’au jour où le boss est assassiné, léguant l’héritage du clan à Ah Sou au grand damne de ses oncles. La rivalité qui oppose ces derniers va alors provoquer une guerre aux conséquences dramatiques.

Si l’idée originale offrait un parfait prétexte à verser dans la comédie d’action, dont les hongkongais ont toujours été maîtres, Wong Chin-Po s’est plié à une approche plus digne et sérieuse, à l’image de son méga casting. Ce n’est pourtant pas la bouille joviale d’Eric Tsang qui l’en aurait empêché, tant il est à l’aise dans les deux versants. Qu’à cela ne tienne, avec un Anthony Wong amaigri, mais au look toujours cool, sans oublier l’immense Simon Yam qui enchaîne les succès à tour de bras, le cinéaste tente de nous plonger au coeur des arcanes du milieu, troublé par l’arrivée soudaine de la jeune et ingénue Ah Sou. Si le réalisme de la description du milieu et la crédibilité des oncles en chefs de triades passe encore, l’apparition soudaine de la jeune Ah Sou, interprétée par la débutante Taiwanaise Annie Liu, ne provoque guère d’émotion, tant le jeu stéréotypé de cette dernière se limite à de béats sourires, tenant davantage de la publicité pour déodorants que d’une émotion sincère. L’humour attendu par le contraste des univers opposés est finalement évacué au profit d’une dramatique et creuse ambiguïté paternaliste, liée à la promesse faite par Gent au moment où il recueille Ah Sou enfant (l’épouser à sa majorité).

Malheureusement, les erreurs scénaristiques ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Pourtant épaulé par un ancien collaborateur de Johnnie To - le scénariste Szeto Kam-Yuen -, Wong Chin-Po introduit le personnage de Nova (Karena Lam), l’ennemie jurée de Gent, augurant d’une future joute féminine stimulante. Mais au contraire, le récit réduira à peau de chagrin le personnage de Nova, préférant s’apitoyer sur les stériles conflits internes entre les oncles, mettant en danger la survie du clan. Le réalisateur semblant indiquer le peu de confiance accordée aux capacités de ses deux actrices, face à la brochette de stars masculines au pédigrée reconnu. On se prenait pourtant à rêver d’un retour des héroïnes à personnalité - ah le bon vieux temps du Wu Xia Pian ! - chères au cinéma hongkongais, sans oublier nos bons vieux Cat III (de Naked Killer "merci Wong Jing" à Naked Weapon). Mais la contemporanéité ne semble décidément convenir aux héroines féminines qu’au travers de comédies romantiques éculées ou de drames historiques flamboyants. A quand un bon "Women with Guns" au pays du "Port aux Parfums" ? Vous l’aurez compris, ce n’est pas Mob Sister qui épanchera notre soif en la matière.

On passera donc sur l’affligeant livreur de pizza - merci Domino ! - parachuté dans le récit pour servir de caution romantique au film, pour porter quelques regards sur la mise en scène de Wong Chin-Po, dernier espoir de satisfaction. Paradoxalement, la pauvreté et la banalité du scénario laissent éclater la vacuité et la prétention de la mise en scène du cinéaste, abusant de plans stylisés, de split screens inutiles, de décadrages et mouvements de caméras improductifs, singeant les panoramiques au grand angle de Tsui Hark, nous abreuvant de plans de coupe et fondus enchaînés parasites. Bref, tout l’apanage du pubard studieux y passe, démontrant ici l’immaturité criante d’un réalisateur intimidé par le poids d’un casting surdimensionné et davantage préoccupé par sa technique que sa narration. De l’imagerie naïve, à la carte postale ventant la beauté des temples bouddhistes, en passant par de plates séquences d’animation à l’illustration enfantine tout juste digne d’Okapi, ce pseudo Parrain au féminin s’est égaré dans l’instantanné Kodak au lieu de creuser ses personnages et sa trame narrative mollassonne. Si l’affiche trompeuse imitant La Cène de Léonard de Vinci laisse augurer d’un drame fratricide sur fond de doctrine Bouddhiste, le repas s’avère bien insipide.

Au final, Mob Sister n’est ni un drame, ni une comédie, ni un vrai film d’action - pour preuve la faiblesse chorégraphique du seul réel combat du film, honteuse au vu des étalons produits la même année -, et encore moins un polar HK digne de ce nom. Film aux relents paternalistes pour ados, en décalage avec son temps ; trop hésitant et maladroit, il ira rejoindre, aux coté de Dragon Squad (2005) la longue liste des médiocres tentatives visant à redonner ses lettres de noblesse au genre roi de la péninsule.

Si au final on ne devait conserver qu’une scène à Mob Sister, ce serait sans hésitation le carambolage final, qui à n’en pas douter siérait totalement à une pub pour la prévention routière !

Présenté au 8ème Festival du film asiatique de Deauville dans la section Action Asia.

- Article paru le mardi 14 mars 2006

signé Dimitri Ianni

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