Monsters
En 2009, la NASA découvre des preuves de vie biologique dans le système solaire. Une sonde, envoyée afin de récolter des échantillons, s’accidente alors à son retour dans l’atmosphère terrestre, au-dessus du Mexique.
Six ans plus tard, la zone infectée par les entités extra-terrestres est devenue une quarantaine difficilement contenue par les autorités américaines. Alors qu’un « incident » a lieu avec l’une des créatures, Andrew, un reporter, est chargé par son patron de rapatrier sa fille blessée alors qu’elle passait des vacances dans la région.
Monsters est la première œuvre de fiction de Gareth Edwards, expert en CGI qui a officié notamment pour des chaines de télévision illustres comme la BBC ou Discovery Channel dans la production de documentaires. Réalisé avec relativement peu de budget, ainsi qu’une équipe réduite, le film est finalement tout le contraire de ce que son pitch ou son titre pourrait laisser présager. S’il arrive souvent qu’une tromperie sur la marchandise soit totalement rédhibitoire en matière de cinéma, les équipes marketing connaissant parfaitement aujourd’hui toutes les ficelles pour « vendre » un film, parfois en allant totalement à l’encontre du point du vue du cinéaste, force est de reconnaître qu’avec Monsters, la surprise ne fait qu’ajouter au plaisir.
Car si le film part bien d’un postulat complètement fantastique et inscrit dans un cadre SF, son déroulement et finalement ses aboutissants, sont bien loin des carcans d’un genre parfois trop stéréotypé et galvaudé. Les « monstres », et le décor hostile de la zone infectée, ne devenant alors que prétextes à une histoire simple et humaine. Celle d’une rencontre entre deux individualités, deux personnages, a priori très différents, mais entre qui va pourtant naître des sentiments.
Une histoire d’amour donc. Sujet simple, vu et revu au cinéma. Mais rarement dans le cadre d’une œuvre de science-fiction. A tel point que celle-ci tient rapidement le « premier rôle » , et prend le devant sur l’histoire de ce voyage au travers d’une zone pourtant infestée de créatures hostiles. Des créatures qui sont d’ailleurs peu présentes. A la manière d’un Matt Reeves et de son Cloverfield, Edwards est particulièrement avare en termes d’apparitions de la menace. On peut percevoir quelque peu au début du métrage, fondue dans le grain d’une image vidéo colorisée au « nightshot », la forme un peu abstraite de ce qui parait ressembler à un Cthulhu de Lovecraft, mais rien de bien net. Mécanique somme toute assez efficace et éprouvée, de l’invisible naissant la crainte et la curiosité, ce que d’autres comme McTiernan (Predator) ou Scott (Alien) avaient déjà su utiliser brillamment auparavant avec leurs propres créations.
On se surprend donc au fil des minutes à ne plus vraiment se soucier des monstres, alors que, en toute honnêteté, c’était ce qui nous amenait en premier lieu vers ce métrage. Voir de la bonne grosse tentacule visqueuse de six mètres de diamètre s’en prendre à nous, pauvres humains. Heureusement Edwards arrive à faire vibrer la corde sensible dans le cœur de l’adorateur de mutations ADN. Pour cela, il sait se servir de deux atouts particuliers dont est doté son film, et qui participent grandement à ce basculement de l’intérêt.
D’une part le couple de comédiens, Scoot McNairy et Whitney Able, dont la connivence et le charme transpirent à l’écran. McNairy incarnant un peu ce mec désinvolte et libre qu’on a tous un jour voulu être, Able possédant quant à elle la beauté discrète et le charme sûre de la « girl next door ». L’émotion est vite communicative et l’intimité entre eux et le spectateur s’installe en même temps qu’elle nait entre les personnages.
D’autre part, la photographie et la mise en scène qui viennent sublimer le voyage qu’entreprennent les personnages. Certains plans, aux rajouts numériques discrets et réalistes, font vite oublier le budget serré de la production et l’aspect improvisé pourtant revendiqué par le metteur en scène.
Monsters est à ce sens, un road-movie de science-fiction naturaliste. Souvent comparé à District 9, comme porte-étendard d’une nouvelle vague d’un genre qui n’en a pas besoin, il serait pourtant plus facilement rangeable aux côtés d’un Children of Men d’Alfonso Cuaron, ou encore d’un Moon de Duncan Jones. Deux films avec lesquels Monsters partage le goût d’une mise en situation de son imaginaire SF, dans le cadre d’une réalité crue et surtout tangible. Pas de débauche d’effets spéciaux qui explose l’écran, et ce malgré la compétence du monsieur dans le domaine. Un cadrage quasi documentaliste et un choix de décors inspiré, en fonction de leur évocation ancré dans le quotidien du spectateur. Une façon de rendre crédible son scénario et ses situations pour un public déjà rodé à tous les trucages numériques et autres mises en images d’univers fictionnel. Une belle réussite sublimée par la musique de Jon Hopkins, dont les connaisseurs sauront apprécié la sobriété et là aussi le fort pouvoir évocateur.
Monsters est donc une nouvelle petite pépite indé dont on aurait tort de se priver si on aime assister sur un écran à des choses auxquelles on ne s’attend pas forcément. Un mélange des genres osé et bienvenue, qui saura sans nul doute donner du fil à retordre aux employés de vidéo-club qui devront ranger la galette sur les étagères l’an prochain.
Monsters est sorti sur nos écrans le 1er décembre dernier.








