Mr. Mamma
Habitué à tutoyer le sommet du box-office national, (Two Cops, How to Top With My Wife, Public Enemy, Silmido), Kang Woo-suk, accessoirement reconnu comme la personnalité la plus influente de l’industrie cinématographique coréenne de ces dix dernières années (réalisateur, scénariste, producteur, distributeur et fondateur de Cinema Service), a débuté par quelques comédies romantiques dont Mister Mama, illustration comique et burlesque des affres de la paternité en solo.
Un matin, Yeong-ju se réveille en pestant contre sa femme alors qu’il entend Sang-ah, son bébé de dix mois, pleurer. Mais à son grand désespoir il se rend compte qu’elle l’a quitté, laissant un mot lapidaire sur le placard. Aussi du jour au lendemain, se doit-il d’assumer la délicate prise en charge de l’enfant. Travaillant dans une société de distribution de films, il se voit contraint d’emmener son bébé avec lui, ne trouvant pas de nourrices disponibles et convenables. Il devient alors Mister Mama pour ses collègues, son bureau se transformant en nurserie, sous le regard agacé de sa collègue Young-joo. Tentant de confier le nourrisson à sa belle-mère, il ne peut se résoudre à l’abandonner et décide de continuer à s’en occuper. Devenant de plus en plus envahissant pour son travail, il confie son rejeton à Young-joo, dont la réticence est bientôt vaincue par la bouille attachante du bambin. Malgré son engagement imminent à un jeune cadre dynamique, Young-joo se lie à l’enfant ; le père commençant à éprouver des sentiments envers sa collègue et attendrissante nourrice.
Distraction sans prétention, Mister Mama exploite les ressorts comiques d’une situation pourtant de plus en plus banale dans la société contemporaine coréenne, l’abandon du foyer conjugal par une femme en quête d’épanouissement. Évacuant le constat social dans lequel le film est ancré, Kang Woo-suk choisi de parodier la situation en montrant les réactions immatures mais drôles, d’un père devant subitement s’occuper de son bébé sans y être préparé. Le début du film, la partie la plus divertissante, est une succession de gags et d’idées saugrenues : Yeong-ju apprenant à roter au bébé, descend un pack de bière entier ; le bébé mouillé est suspendu par les pieds et séché au séchoir automatique des toilettes du bureau, un tampax est pris pour un sachet de thé... L’idée d’introduire un enfant au sein du monde professionnel sérieux est ici exploitée au travers de situations cocasses et peu banales.
A ce rythme là, on se dit alors qu’on ne va sûrement pas s’ennuyer. Mais voilà, le scénario de Kim Hyeong-jun se révèle bien maigre ; et alors que l’on quitte progressivement la bouille sympathique de Sang-ah, dont le 1er anniversaire est fêté en grande pompe dans une boite branchée, le récit tourne alors à la mièvrerie romantique. Yeong-ju, gagnant en maturité fait preuve d’une sensibilité cachée, alors que Young-joo, qui hésite à s’engager auprès d’un homme qui ne pense qu’à la surveiller et à la couvrir de cadeaux, semble perturbée par cette affection nouvelle que lui témoigne le père reconnaissant. Yeong-Ju se découvre alors amoureux d’une femme à l’instinct plus maternel qu’il n’y paraît ; admettant ses torts et regrettant son comportement machiste, il finira par se déclarer.
Alors que le besoin d’épanouissement des femmes coréennes, encore cantonnées au rôle de mère au foyer est à peine évoqué, on sombre dans le romantisme guimauve. Sans réelle surprise, une habituelle scène romantique voit les deux tourtereaux s’étreindre au cours de ralentis ridicules, au son d’une musique de supermarché. On peut regretter le manque d’inventivité qui a fait le succès de la comédie romantique coréenne, subtil mélange d’humour, d’ironie et de mélodrame. Mais ici, le film s’enlise dans les bons sentiments et ne doit son piètre salut qu’à la justesse de ses deux héros, sans oublier l’attachant Sang-ha.
C’est donc sur une pente ennuyeuse que nous entraîne Mister Mama. Autant le cabotinage de Choi Min-su (My Wife Is a Gangster, Phantom : The Submarine, Libera me), jeune premier charismatique et habitué des rôle d’actions, est ici convainquant d’expressivité et de sensibilité, autant la transparence de certains personnages secondaires (la femme de Yeong-ju, le fiancé de Young-joo et ses parents) sont caricaturaux, sans relief et transparents. On ne pouvait certes pas espérer une grande profondeur psychologique dans ce qui se voulait un divertissement commercial affiché, mais la médiocrité du scénario et l’accumulation de poncifs gâche la performance des deux protagonistes pourtant forts inspirés.
Vous l’aurez donc compris, Mister Mama, s’il satisfera les fans de Choi Min-Su, ne laissera pas un souvenir impérissable dans la grande variété des comédies à la sauce coréenne ; sans compter que le talent de Kang Woo-suk trouvera bien meilleures occasions de s’exprimer par la suite.



