Mucha Sangre
Cortaojos et Choro s’échappent ensemble de la prison Torre Bruno, établissement haute sécurité de l’état d’Almeria. Cortaojos, espèce de Bidochon local et libidineux qui tire son surnom de sa propension à littéralement couper les yeux de ses victimes, met ainsi un terme à sa peine au bout de trois ans, pour tenter de récupérer les quelques 100 000 euros que lui doit Vicuña, ancien compagnon de crime qui a réussi à échapper aux forces de l’ordre. Choro l’accompagne pour l’assister dans l’opération de remboursement. Sitôt libres, les deux criminels prennent une jeune femme, la sculpturale Iciar, en otage pour rejoindre le repère de Tiojuan, paysan-mécanicien dégénéré qui pourra leur fournir des armes. En cours de route, un vieillard se jette devant leur voiture pour les alerter d’une drôle de façon. Il se tient les fesses et hurle...
"Ils sont arrivés ! Faites attention à vos culs !"
... et s’en va comme il est venu, protégeant consciencieusement son propre rectum. Perplexe, notre duo grossier ne va pas tarder à comprendre l’avertissement. Vicuña n’est plus lui-même, mais un extraterrestre de la galaxie Eslizoide, bien décidé à coloniser la Terre - en commençant par l’Espagne. Pour se faire, il lui faut à lui et ses hommes, sodomiser tous nos mâles pour les contaminer, et stocker nos femelles et les laisser pourrir, pour une "consommation ultérieure". Pas facile pour nos héros d’enrayer une invasion d’aliens sodomites, qui semblent de plus ne pas pouvoir mourir, que ce soit sous l’assaut des balles ou d’une tronçonneuse...
Megamix !
Mucha Sangre est une tentative très "à la manière de" de mélanger la trame de Bad Taste à celle des Spécialistes de Patrice Leconte, sur fond d’humour scato-anal et de moultes giclées d’hémoglobine, le tout passé à la moulinette d’un humour espagnol bas de plafond... bref, une initiative louable visant à livrer un Accion Mutante cru 2002. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas au niveau du synopsis que le bât blesse : l’idée de départ est excellente bien sûr, propice à un épanchement graphico-vulgaire du meilleur effet. Le casting n’est pas non plus vraiment en reste, ne serait-ce que grâce à la présence de Paul Naschy, légende ibérique s’il en est, dans la peau de Vicuño. Le reste des protagonistes ne sort peut-être pas de l’Actors’ Studio (vous repasserez pour la subtilité), mais Rodolfo Sancho nous arrive quand même de Muertos de Risa et La Communidad, tandis qu’Isabel del Toro s’impose en Adrienne Barbeau locale, version autrement plus... ’caliente’. Et nous avons même droit à plusieurs apparitions du groupe incorrect Mojinos Escozios, phénomène de société en Espagne, le temps de quelques morceaux bien "jevi" (prononcez "heavy" à l’espagnole). Et puis il y a des zombies, du gore, des gunfights, un peu de sexe et beaucoup de violence gratuite (autoproclamée) et de language coloré... Mucha Sangre devrait donc être un film du bonheur.
A quality chainsaw moment.
Et pourtant non, tout juste un film du sourire. Les ingrédients sont bien là, du personnage zombifié de Tiojuan - qui se fait démembrer à l’infini à la tronçonneuse le temps d’une séquence mémorable, puisque ses bras, ses jambes et sa tête hilare repoussent sans cesse - aux hordes de femmes zombies, en passant par des extraterrestres/chaussettes hilarants... mais les proportions sont indigestes et la présentation hésitante, quelque part entre le trop con et le pas assez. La faute principalement à trop de gunfights longs et plats, étirant à l’infini une idée souvent bonne - le distributeur de cigarettes en guise de bouclier d’assaut par exemple - mais peu porteuse. On se retrouve vite sourd sous le feu incessant, désireux de passer à la scène suivante - qui souffre souvent malheureusement, du même défaut. Du coup, l’action semble se prendre trop au sérieux par rapport à la bêtise latente de l’ensemble - il suffit de voir les marionnettes qui servent de chefs extraterrestres pour s’en convaincre !
S’il s’était appuyé un peu plus sur ce genre de délires infantiles, parfait contrepied du gore et du Q, Mucha Sangre aurait pu être excellent. En choisissant de combler ses lacunes narratives avec d’interminables et statiques gunfights, il demeure sympathique mais paraît trop long et creux pour faire de l’ombre à des films comme Accion Mutante. Et puis Isabel del Toro est vraiment trop peu exploitée !
Disponible en DVD espagnol chez Filmfax, sans sous-titres et avec le trailer du film en guise d’unique bonus.


