Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs

Mukuro Trilogy

Japon | 2016 | Une anthologie de Katsumi Sasaki | Avec Kazuki Kawakami, Yuta Hirai, Akari Nomura, Mizuki Watanabe, Rie Hazuki, Soichiro Yoshimoto, Luy, Aya Takami, Junpei Suzuki

Missionné pour mettre à jour un article sur le gore nippon pour les pages d’un illustre magazine français versé dans le cinéma de genre, je me suis replongé dans une flopée de titres sortis ces dernières années, à même de m’aider à verser un peu d’encre teintée de rouge sur le sujet. L’anthologie de Katsumi Sasaki, que j’avoue avoir abordée avec une légère crainte en terme de contenu graphique, fait partie des excellentes surprises de cette session de rattrapage : du cinéma extrême, certes, mais qualitatif et choquant dans des proportions équivalentes.

Mukuro Trilogy est constitué de trois courts-métrages : Appartment Inferno, Sweet Home Inferno et Just Like a Mother. Chacun fait graviter sa violence autour d’un noyau dysfonctionnel ou perverti, de couple ou familial. Dans le premier, deux jeunes hommes ramènent des cadavres chez l’un d’eux pour que sa petite amie, apathique, nue et menottée dans un cabinet de toilettes, prenne le temps de les découper et les éliminer, morceau par morceau, dans la cuvette des WC. Le second met en scène une famille aux prises avec une espèce de gourou, convaincue que l’une de leurs filles est possédée par un esprit maléfique, et qu’un rituel de démembrement enthousiaste lui permettra de renaître guérie. Le dernier segment enfin, voit une mère en quête de seconde jeunesse, une fois sa fille rentrée dans la vie active, se faire kidnapper par des hommes qui la réduisent à un état bestial. Piégée par les ravisseurs, la jeune fille rejoint sa mère qui ne la reconnaît même plus...

« Mukuro » signifie « corps », « cadavre » en japonais, et il est certain que l’édifice malade conçu par Katsumi Sasaki tourne autour d’une certaine façon d’appréhender le corps, mort ou en passe de l’être, à l’écran : en morceaux dans Appartment Inferno ; soigneusement réduit, membre par membre, dans Sweet Home Inferno ; rageusement détruit dans Just Like a Mother – dans lequel la violence, la plus extrême des trois segments, est dirigée autant contre soi que contre l’autre. C’est surtout dans l’approche cinématographique toutefois, que Mukuro Trilogy trouve sa cohérence, alternant dans chaque court plans fixes et caméra portée avec la même rythmique, soulignant ses méfaits dans un déluge de couleurs et de musique. Celle-ci atténue un peu la portée de certaines images, comme c’est souvent le cas (Saw aurait tant gagné à se défaire de sa bande son metal...), mais Sasaki fait tout de même preuve d’une maîtrise du langage cinématographique inhabituelle pour le genre.

A l’écran, le rendu est sublime : le spectre, balayé du bleu au rouge, contraste souvent avec le bruit des mouches, des chairs outragées, des os brisés... mais reste en phase avec la richesse de ton de l’ensemble, qui souffle le froid comme le chaud, percute mais n’oublie jamais de teinter son tableau dégénéré d’humour. Un humour qui ne tombe pas à côté, miraculeusement, pas plus qu’il ne se charge de mauvais goût, mais permet justement à Mukuro Trilogy, avec son approche frontale de la violence qui trouvera un certain écho outre-Atlantique dans le dément Section 99 (Brawl in Cell Block 99 de S. Craig Zahler), d’être non seulement regardable, mais franchement remarquable.

Mukuro Trilogy est disponible en DVD en mediabook avec plusieurs couvertures au choix chez les Allemands de Midori-Impuls.

- Article paru le vendredi 22 octobre 2021

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