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Mutants

France | 2007 | Un film de David Morley | Avec Hélène de Fougerolles, Francis Renaud, Dida Diafat, Marie-Sohna Condé, Nicolas Briançon, Luz Mandon, Driss Ramdi, Grégory Givernaud, Justine Bruneau de la Salle

Comment je me suis transformé... (ma mutation cannibale)

En quelques mois, la population de notre monde a été décimée par un virus. Sur les routes de Haute-Savoie, Marco (Francis Renaud) conduit une ambulance pendant que Sonia (Hélène de Fougerolles), sa femme urgentiste, tente de soigner un policier blessé sous la vigilance de son équipier. Présentant des traces de morsures, la victime est exécutée, et, à contre cœur, Sonia et Marco s’en remettent à l’autorité du fusil d’assaut braqué sur eux. Une rencontre funeste avec un autiste contaminé, dans une station service abandonnée, va donner à Sonia l’opportunité d’abattre le flic hystérique. Le couple se réfugie dans un immense bâtiment, délaissé au cœur des montagnes. Si Hélène, mordue il y a plusieurs semaines de cela, semble immune au virus, Marco, éclaboussé du sang de l’autiste pendant l’altercation meurtrière, commence à montrer des signes d’infection...

Il y a dans 28 semaines plus tard de Juan Carlos Fresnadillo, un moment singulier : celui où Don (Robert Carlyle), mordu par son épouse Alice (Catherine McCormack), porteuse saine du virus, se transforme en enragé et se retourne contre elle, avant de rejoindre la horde des infectés. Un instant d’une violence rare, pourtant traversé d’émotion et de tristesse, les larmes se mêlant, exceptionnellement, au dégoût suscité par le gore. Dans son premier long métrage, David Morley s’attarde sur l’étirement de cette cinématographie conflictuelle, pour livrer un film au titre on ne peut plus pertinent : Mutants, film sur la mutation, est aussi une œuvre en évolution constante, entre le film de zombies et le huis clos socio-naturaliste.

Déclinaison évidente de l’attention morbide portée à un certain Brundle-mouche par David Cronenberg dans The Fly, le cœur de Mutants est en effet la mutation de Marco, devant l’amour impuissant de Sonia. Les cheveux qui tombent, les vomissements de sang, les dents qui se déchaussent... L’image, clinique, fait la part belle à une anthropologie de la mutation, aussi bien physique que relationnelle. Contaminés par le regard que Sonia porte sur Marco, s’attachant tant bien que mal à l’âme qui s’étiole dans ce corps remodelé, on contemple nous même la victime et sa décomposition avec bien plus qu’une simple répugnance, renonçant à laisser le dégoût l’emporter sur l’émotion. Morley, au travers de ce tableau quasi-naturaliste, très posé dans une réalisation qui se voudrait presque issue d’une certaine dramaturgie socio-relationnelle française, parvient à étendre le lien qui attache Sonia à Marco jusqu’au spectateur. Lorsque le film rebascule dans un schéma plus classique, hérité des films de zombies « dynamiques » sous l’initiative du 28 jours plus tard de Danny Boyle, il est ainsi enrichi d’une émotion qui va bien au-delà du simple film d’horreur. L’effroi, dans Mutants, est avant tout lié à l’impossible mutation du sentiment humain.

Ce sentiment, s’il naît de l’initiative, référentielle et pertinente, de Morley, résulte avant tout du couple d’acteurs retenus pour incarner Marco et Sonia. Francis Renaud joue l’horreur comme certains joueraient la perte d’un être cher, la destruction d’une vie par la perte d’un emploi : bien que son apparence, remarquablement explicite, s’inscrive dans le genre horrifique, sa prestation elle, vient d’une exception culturelle autrement plus prégnante dans l’hexagone ; et pour une fois, c’est une excellente surprise. Face à lui, Hélène de Fougerolles, que l’on n’aurait jamais attendue là, joue sa force fragile à merveille, survivante évidente dont l’humanité surnage au dessus de la fange. Sans fards, les cheveux courts, le regard tombant, l’actrice parvient à incarner une femme dont la bonté, sans aucune niaiserie, se transforme en une évidente beauté. Le reste du casting n’est malheureusement pas du même acabit, opposant au contre emploi du couple principal une trop péremptoire caricature de la survie post apocalyptique ; d’ailleurs, dès qu’un autre protagoniste empiète sur l’intimité terrifiante de Marco et Sonia à l’écran, Mutants se pare d’allures plus télévisuelles que cinématographiques. Heureusement, le soin apporté aux effets visuels, très réalistes, ainsi qu’à l’image, qui reflète dans sa froideur mesurée l’importance accordée à l’humain dans le film, rehausse la tenue de l’ensemble. Visuellement inégal, Mutants fait ce qu’il peut pour ne pas laisser son manque évident de moyens restreindre son ambition, et il s’en sort bien : Morley est parvenu à livrer un film d’horreur poignant et passionnant, qui réussit l’exploit rare dans le genre d’être éminemment français, sans que cette reconnaissance constitue une critique implicite.

Mutants est disponible en DVD, français bien entendu, chez CTV International.

- Article paru le vendredi 30 avril 2010

signé Akatomy

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