My Blueberry Nights
You’re nobody ’til somebody loves you,
So find yourself somebody to love.
My Blueberry Nights, c’est du 100% Wong Kar Wai. La (seconde) révolution ne sera pas pour cette fois et ceux qui l’attendaient pourront être déçus en regagnant la clarté. Son nouveau long métrage est une respiration dans sa filmographie, respiration qui a parfois accouché du meilleur, Chungking Express notamment. Ce dernier opus n’est pas du même calibre, mais le réalisateur hongkongais nous offre une nouvelle fois des moments de pur bonheur cinématographique. Ne boudons pas notre plaisir.
Elizabeth, jouée par Norah Jones, téléphone dans un café-restaurant à la recherche de son petit ami. Le patron, Jeremy (Jude Law), se souvient de sa présence, mais il était alors en galante companie. Dans le vain espoir de le revoir, Lizzie se rend régulièrement au café клуч (clé en russe) à l’heure de la fermeture. Autour des restes des tartes du jour, ces deux coeurs solitaires vont se confier l’un à l’autre et tisser une relation. Lizzie va finalement quitter New York après avoir eu la preuve irréfutable que son ancienne histoire d’amour est définitivement enterrée.
La première partie du film qui se déroule à New York est particulièrement réussie. On comprend ce qui a attiré Wong Kar Wai dans Norah Jones, sa douceur et sa fragilité. Si faiblesse il y a, elle se situe à la fin de l’épisode de Memphis, au moment où Rachel Weisz s’épanche, de trop, sur l’épaule d’Elizabeth.
Pour ce nouveau film, Wong Kar Wai a abandonné le baroque de 2046 pour un style plus aérien. Voix off, « décadrage », ralenti, musique mélancolique... tout ce qui constitue son style est bien présent sur l’écran. Trop, pour certains grincheux. Au détour de nombreux plans, la magie opère : un simple gros plan de l’oeil de Norah Jones et un ange passe, la langue de bitume se dédouble puis se superpose, un métro déchire la nuit... La grande qualité de son cinéma est de faire passer l’émotion grâce à l’astmophère créée par la puissance des images combinées à la musique. Un exemple magistral en est donné au moment où Lizzie aperçoit à travers une fenêtre son ex embrasser sa nouvelle conquête. Un silence assourdissant enfonce le spectateur dans son siège et le met dans la position émotionnelle de Lizzie qui déambule dans la rue.
Une nouvelle fois, Wong Kar Wai raconte la rencontre de deux êtres attirés l’un par l’autre, mais pas à l’instant propice. Le réalisateur hongkongais reprend également le thème du double. Si le couple est l’unité centrale de ses films, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme cela n’a finalement pas d’importance comme il l’avait montré dans Happy Together. A l’instar de Jeremy, Lizzie va devenir serveuse et au grè de ses pérégrinations servir d’oreille attentive à d’autres personnes abandonnées. Son voyage se fait plus à travers les êtres qu’elle rencontre que par les kilomètres de « highway » dévorés. Elle va ainsi successivement se lier avec un flic alcoolique, puis une joueuse de poker désertée par dame fortune. Les images que lui renvoient ces connaissances de passage sont les deux extrêmes d’un possible destin : sombrer dans le désespoir et diluer son chagrin dans le whisky, ou se retrancher derrière une barrière infranchissable.
Débarquement sur vos écrans le 28 novembre 2007.



