Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Malaisie | Festival du film asiatique de Deauville 2010

My Daughter

Malaisie | 2009 | Un film de Charlotte Lay Kuen Lim | Avec Lai Fooi Mun, Chua Thien See, Lam Wen Haur, Lee Eng Kew, Chee Cheong Hoe

Faye vit seule avec sa mère, à l’étage de leur salon de coiffure dont la porte semble toujours close au public. Une mère souvent absente, battue par un homme qui restera toujours extérieur à l’histoire. L’emprise de cette figure masculine détruit néanmoins peu à peu la relation des deux femmes, entre le non dit de la désapprobation, le mépris, l’amour, et l’inversion implicite du lien maternel.

Auréolé du Prix de la Critique Internationale – aussi connu sous le nom de Lotus Air France – lors de la dernière édition du Festival du film asiatique de Deauville, My Daughter est de ces films dont on reconnaît les qualités sans nécessairement les apprécier, maintenus à l’écart d’une émotion éminemment picturale par une trop grande conscience cinématographique. Il était intéressant en effet, de regarder le premier long métrage de Charlotte Lay Kuen Lim, collaboratrice de James Lee, en marge de la rétrospective consacrée au Philippin Brillante Ma. Mendoza. Alors que le réalisateur de Kinatay et Lola s’applique à effacer l’artifice propre au cinéma de son travail de fiction documentaire, la réalisatrice malaise s’acharne à extraire son duo dysfonctionnel de la réalité, à leur conférer une existence exclusivement cinématographique, faite de cadrages sélectifs et autres motifs – sonores, vocaux, visuels – constitutifs.

My Daughter fonde en effet sa construction sur la répétition : celle d’un bruit indéfinissable, vécu sur fond noir, qui symbolise les relations physiques de la mère de Faye et ne s’incarne explicitement que dans la conclusion du film ; celle de l’énonciation de la désapprobation de la jeune femme, anticipée en off puisqu’extraite de l’un des seuls échanges mère-fille du film, pivot de la rupture familiale, qui fragmente chaque contact affectif ; celle du du refus de Faye de devenir une mère potentielle, au travers du rejet de culottes ensanglantées par la fenêtre de sa chambre vide ; ou encore celle d’une cliente récurrente, qui réclame sans cesse une coupe de cheveux dans le vide. Des motifs qui construisent un film théoriquement apte, où les enjeux sont lisibles, l’ambiguïté du titre évidente – qui est la fille de qui ? -, la palette d’émotions implicite.

Pourtant l’implicite selon Charlotte Lay s’écarte trop de l’inconscient. My Daughter ressemble au travail d’une étudiante en cinéma, tellement appliqué que la personnalité s’efface derrière trop de procédés. Les âmes qu’auraient du diffuser les deux femmes du film, se dessinent mais ne s’incarnent pas, ne laissent aucune rémanence sur les ruines qu’elles parcourent et qui, pourtant, se prêtaient fort bien à la déliquescence et aux traces. Seuls les silences résonnent à l’écran, surtout lorsqu’ils confrontent les deux actrices qui, malgré tout, parviennent à donner du naturel à leurs personnages. L’introduction du film, au cours de laquelle Faye va chercher sa mère battue dans les ruines de Malakka, sans que l’on connaisse la nature du lien qui les unit, est à ce titre exemplaire. Sans mot ou presque, au travers du regard porté sur les deux femmes, on perçoit l’énervement retenu d’une fille transformée en mère, autant que la lasse absence de responsabilité d’une mère réduite à une adolescente à problèmes. Le soucis étant que cette lecture physique n’évolue pas ou peu dans le film, enfermée dans une représentation monotone.

Plutôt qu’un détour trop terne par My Daughter, on continuera donc à recommander le travail de James Lee à qui veut s’attarder sur le nouveau cinéma malais. Lui aussi possède une immense conscience cinématographique, qu’il applique, comme Charlotte Lay, à un substrat de fiction : sauf que, comme l’illustre merveilleusement le dépouillement (forcé) de Call If You Need Me, James Lee ne laisse pas l’économie restreindre sa narration à de simples répétitions, aussi pertinentes soient-elles.

My Daughter était présenté en compétition au cours de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010), où il a remporté le Prix de la Critique Internationale.

- Article paru le mardi 30 mars 2010

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