My Wife is a Gangster
Depuis le temps maintenant, les gens devraient commencer à s’habituer, non ? Peut-être est-ce du à une question de culture ; toujours est-il que les bandes-annonces coréennes sont fort trompeuses. En effet, de la même façon que ceux de Nowhere to Hide, Attack on the Gas Station ou encore Kick the Moon, le trailer du premier long métrage de Jo Jin-Gyu - My Wife is a Gangster - nous laisse imaginer un film d’action absolument stupéfiant. Bien évidemment, ce n’est pas le cas. Mais est-ce pour autant une déception ? Loin s’en faut. Alors, c’est certain, les gens qui disent que My Wife is a Ganster est un film d’action plutôt mauvais et lent ont certainement raison (et encore). N’est-ce pas aussi le cas de ceux qui disent que Mon Voisin Totoro est un film d’horreur lamentable ? La question qui se pose dans un tel cas est loin d’être nouvelle : les gens regardent-ils un film en fonction de ce qu’ils en attendent, ou alors en fonction de ce qu’il représente réellement ? La réponse appartient à chacun. En ce qui me concerne, j’ai encore pris un plaisir remarquable à me laisser porter par cette excellente comédie coréenne...
Un gang, une légende... La séquence d’ouverture de My Wife is a Gangster nous présente une scène de combat magnifique sous la pluie, sous forme de flash-back en noir et blanc narré par le jeune Romeo, mafieux grande gueule, à son ami et nouvelle recrue. Alors que deux membres du gang se font dérouiller par les hommes d’un boss opposé, une femme apparaît, une lame dans chaque main, et vient à bout, seule, de tous ses adversaires. Elle parvient ainsi à sauver l’un des deux hommes, qui s’est pourtant fait décalotter une partie du crâne. Romeo déclare que la femme n’a jamais été revue depuis. Lorsque la nouvelle recrue est présentée à son "Big Brother", quelle n’est pas sa surprise (et la notre) de se rendre compte que ce dernier est en fait une femme - et pas des moindres. Cha Eun-Jin (Shin Eun-Gyong) est une femme plutôt (fort) jolie mais terriblement masculine dans son comportement. Grossière, mal élevée, irascible et incapable du moindre sourire, c’est une femme peu commode qui ne s’encombre pas d’un simple rôle de faire-valoir pour les hommes qui l’entourent constamment.
Arrive sur le devant de la scène sa sœur, dont Eun-Jin avait été séparée depuis leur enfance en orphelinat, et qu’elle recherchait depuis longtemps. Malheureusement, cet unique membre de sa famille est atteint d’un cancer au stade terminal. La sœur mourante ne demande qu’une seule chose à Eun-Ji : de la voir mariée avant de quitter ce monde. La main droite de l’un des gangs les plus importants de la région, face à celui de White Shark, doit donc se trouver un homme à berner afin d’en faire son mari.
Un soir, alors qu’elle règle leurs comptes à des voyous qui l’ont insultée, le simplet Kang Su-Il (Park Sang-Myeon) tente de jouer les chevaliers servants - avant de se prendre un parpaing en pleine tête. Candidat idéal, Su-Il se retrouve bien malgré lui époux d’un gangster pas comme les autres, et victime d’une farce relativement cruelle...
Avec un tel synopsis, on serait en droit d’attendre de My Wife is a Gangster de n’être autre chose qu’une comédie de quiproquos. Seulement, les coréens savent y faire pour aborder les mélanges de style de façon intelligente. Le film de Jo Jin-Gyu est donc une espèce de success story iconoclaste ; celle d’une femme qui tente de vivre à la fois une vie privée qui ne l’intéresse pas, et une vie professionnelle qui lui tient trop à cœur. Son investissement dans son mariage forcé est inversement proportionnel à celui dont elle fait preuve dans son boulot ; c’est d’ailleurs toujours cet acharnement qui amène chacune des trois (fabuleuses) scènes d’action du film.
Comme toujours dans les films asiatiques, l’humour prend différentes facettes, de la comédie subtile à l’humour noir. L’actrice qui incarne Eun-Jin, Shin Eun-Gyong (interprère principale de The Ring Virus, dernièrement dans This is Law et aperçue aussi au Japon dans Uzumaki), est à ce titre absolument merveilleuse : parfaite lorsqu’elle subit des cours de féminité et s’essaye à des sourires plus effrayants qu’autre chose (il aurait peut-être fallu faire intervenir le Michael Wong de I’m your Birthday Cake), elle ne l’est pas moins dans les moments dramatiques que dans les scènes d’action ahurissantes. Face à elle, on retrouve l’impayable Park Sang-Myeon (catcheur avec une fourchette dans le crâne dans The Foul King, "Fish Head" maltraité par Park Jung-Hun dans Nowhere to Hide), fort touchant dans son rôle de benêt faussement excédé, lui aussi très juste dans toutes les situations.
S’il est vrai que ce couple d’acteurs protagonistes - qui plus est rejoint par une série de seconds rôles aussi richement dépeints qu’interpétés - fait pour beaucoup à la réussite de My Wife is a Gangster, la réalisation de Jo Jin-Gyu n’est pas non plus en reste. Aussi à l’aise dans l’action que dans l’humour et la tragédie, il n’hésite jamais à cadrer ses acteurs en gros plan pour laisser leur(s) talent(s) s’exprimer pleinement, et n’abuse jamais d’un style pourtant très maîtrisé et souvent spectaculaire.
Vous l’aurez compris : les gens qui se plaignent du manque de scènes d’action dans My Wife is a Gangster ne sont pas plus crédibles que quelqu’un qui se plaindrait de n’avoir trouvé que 500 balles par terre dans la rue. Avant tout extrêmement drôle, humaniste et touchant, My Wife is a Gangster intègre parfaitement ces quelques séquences de bravoure sans jamais perdre de vue son sujet principal. Du coup, ce n’est pas à un film d’action ralenti que nous avons le droit, mais à une comédie enrichie, complète, et parfaitement équilibrée. Le pied total, messieurs-dames, rien de moins !
Double DVD collector édité par Bear Entertainment.
La copie, en 1.85:1 anamorphique, est parfaite ; la bande-son en 5.1 a failli faire exploser mes carreaux. Les sous-titres anglais sont par contre loin d’être excellents...
Sur le deuxième disque, une foultitude de suppléments, sans sous-titres !


