Never to Lose
Kim Hong-joo est un flic dur à cuire, le genre à ramener son travail chez lui quand il daigne faire don de sa présence à sa petite amie. Ceci étant, quand on voit la pression que lui mettent ses coéquipiers et supérieurs, on comprend mieux son comportement : la police coréenne est chaque mois soumise à des quotas, qui décident de son allocation budgétaire pour le mois à venir. Des mauvais chiffres signifiant une baisse de budget... et il se trouve que, ce soir, il manque encore 3 points à l’équipe de Hong-joo. Comme le gars a une intuition sans failles, Mun Bong-soo, son aîné et partenaire, l’abandonne dans une zone mal famée pour qu’il leur sauve la mise. Mais Hong-joo préfère se rendre, tardivement, au rendez-vous qu’il avait fixé avec son amie. Sur place, il trouve celle-ci sur le point de danser dans les bras d’un agaçant ex-prétendant. D’un coup d’oeil, Hong-joo sait que l’homme, en plus d’être détestable, n’est pas clair. Une petite entourloupe plus tard, l’amoureux est écroué pour possession de drogues : cocaïne, ecsta... Pour sauver sa peau, il balance le nom d’un plus gros poisson, un dénommé Propane. L’équipe de Hong-joo commence alors à remonter la filière...
Alors que, produit sous bannière occidentale, Never to Lose serait certainement un film policier original, il s’agit d’un film coréen classique. Le quotidien d’un groupe de flics qui ont la vie dure, côtoyés à l’occasion d’une traque au gros bonnet qui tient plus du duel acharné que du travail de police... Cela pourrait être du Nowhere du Hide ou encore du Public Enemy, comme une palanquée d’autres titres récents. Moins réalisé que le chef-d’oeuvre de Lee Myung-se, moins rageur que le face à face de Kang Wu-Seok, Never to Lose choisit un terrain d’expression plus mesuré, laissant une grande place à l’homme qui sommeille en chaque flic, aussi brutal soit-il. C’est là la spécificité du premier film de Son Hee-chang, et le terrain aussi bien de ses qualités que de ses défauts.
Le héros de Never to Lose, s’il s’agit d’un personnage bien écrit, n’est pas la vedette du film. Ce privilège reviendrait plutôt au personnage campé par le toujours excellent Heo Joon-ho, Mun Bong-soo. Le plus vieux du lot, entièrement dédié à son travail, il est aussi celui qui présente les plus grandes faiblesses. Amnésique, il perd constamment son briquet, ses menottes, et parfois même son arme... Décidé et taciturne, il est celui qui use le moins des poings, et pourtant : il est terrorisé. Après toutes ces années passées à arrêter des criminels, Bong-soo s’est créé sa propre prison, s’enfermant derrière une dizaine de verrous et cadenas de peur de récupérer la monnaie de sa pièce... A lui seul, Bong-soo exprime toute la difficulté du travail de police, la fatigue, le surmenage, l’appréhension... Si le scénario exploite subtilement sa tare potentiellement dangereuse - l’amnésie - il n’en est malheureusement pas de même de cette évocation : Hong-joo lui, représente l’autre facette du réalisateur, sa propension didactique, son besoin d’expliciter en vociférant ce que Bong-soo laisse constamment transparaître. Ses discours de martyrs sont trop nombreux, trop lourds, et sont de plus complétés par des voix off à but d’auto-citation, qui surlignent maladroitement ce que la réalisation esquisse de façon lisible.
C’est là le principal défaut du film, qui perd en émotion ce qu’il gagne en décibels plaintifs. Pour le reste, le bad guy est standard, regard illuminé et homme de main frigide inclus, l’énigme du trafic de drogue tout autant, l’ensemble ni mémorable ni désagréable mais un peu longuet sur la fin, manquant singulièrement de rythme alors que la cocotte-minute Hong-joo avait tout loisir de dynamiser le film. Reste tout de même un autre atout dans la manche de Never to Lose : le personnage, féminin celui-ci et annexé à l’équipe de Hong-joo, de la charmante Lee Hye-ryung. Rangée aux délits de fuite, la jeune femme, qui m’avait déjà fait craquer dans She’s on Duty, apporte un petit brin de fraicheur dans ce monde de brutes, aux côtés de Propane, petite frappe incarnée par l’impayable Yoo Hae-jin.
Disponible en DVD coréen, Never to Lose est de plus édité en France en DVD par Elephant Films dans la collection Asian (sortie le 20 février 2008). Rien à dire, la copie est superbe et le 5.1 efficace. Les sous-titres par contre, traduisent différemment des phrases pourtant répétées à l’identique. Remerciements à Bastian Meiresonne et Elephant Films.



