Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Chine | Festival du film asiatique de Deauville 2010

Night Attack

aka Night Raid -Ye Xi | Chine | 2007 | Un film de An Lan | Avec Wang Yongming, Liu Tianzuo, He Dandan, Xu Honghao, Zhang Yongxiang

C’est en 1952 que le August First Film Studio, projet sous l’égide du département politique de l’Armée de Libération, ouvre ses portes à Pékin ; un studio entièrement dévoué à la cause de l’armée chinoise, qui produit depuis principalement des films à caractère militaire, dans une démarche d’éducation culturelle du peuple à ses hauts faits guerriers et leurs héros. En avril 2009, Pretty Pictures, distributeur à qui l’on doit des sorties aussi variées dans l’hexagone que la trilogie Dead or Alive de Takashi Miike, le Godzilla Final Wars de Ryuhei Kitamura et autres Im Sang-soo, Jiang Wen, Kim Ki-duk et Hur Jin-ho, signe un accord historique avec le studio d’affiliation militaire pour l’achat et l’exploitation en Europe de trois films de guerre : My Long March, August 1st et Night Attack. Le premier célèbre le soixante-dixième anniversaire de la Longue Marche, tandis que les deux autres ont été produits à l’occasion du 80ème anniversaire de l’Armée de Libération elle-même. Au-delà du caractère diplomatique d’un tel accord, évidemment critiqué par les opposants au régime qui voient dans ces films de simples œuvres de propagande, il est légitime d’interroger l’intérêt pour nous, spectateurs « libres », de visualiser de tels films. N’en déplaise à James Velaise, président de Pretty Pictures, qui déclare que l’achat des titres se justifie simplement par leur faible coût et grande qualité, force est de constater que passer de Héros de Guerre à Night Attack revient un peu à substituer Transmorphers à Transformers.

Toujours pas exploités par le distributeur, certainement en raison de lacunes techniques évoquées à l’époque de l’accord, les trois titres ont été diffusés au cours de la douzième édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010). Pour ma part, je n’ai vu que Night Attack, dont la projection exécrable dans l’inconfort de la salle du Casino semblait être en VCD. Un point noir a priori, qui devient un atout pour le film en cours de projection, les approximations grotesques de l’image dissimulant, un peu, le piètre niveau de la mise en scène et des effets spéciaux. Car Night Attack, avec ses modèles réduits intégrés à la va-vite, est une œuvre tellement cheap qu’elle n’hésite pas à créer ses propres stocks shots, réutilisant des explosions bricolées plusieurs fois, autant qu’elle multiplie sans honte un unique modèle d’avion nippon limité à deux dimensions.

Mais au delà du niveau technique déconcertant, surtout au vu de la qualité atteinte par les grosses productions commerciales chinoises contemporaines, c’est la qualité cinématographique tout court du film – ou plutôt l’absence de - qui laisse pantois. Dans ce récit de l’exploit du 769ème Régiment, qui délaisse le front pour s’attaquer, seul et en dépit d’accusations de désertion et lâcheté, à un aérodrome japonais dont les avions ne cessent de décimer les troupes chinoises, la narration est incohérente et morcelée, la réalisation complètement déstructurée. Les séquences s’enchaînent tellement mal que l’exploit semble parfois tourné en dérision, que ce soit par le comique involontaire d’un soldat déguisé en berger qui saute sur une mine, ou dans l’espionnage répété d’un village occupé par un troufion travesti. La topologie du théâtre des opérations, comme la chronologie des actions menées, sont insaisissables, et l’héroïsme s’efface devant les maladresses, les insubordinations, les querelles internes et autre bluette autour de la charmante He Dandan, qui interprète une photographe ravie de documenter les poses héroïques et le sacrifice des protagonistes.

Difficile du coup, de taxer Night Attack de propagande : l’armée chinoise mettant tout de même en valeur ici une initiative humaine, certes motivée par la défense du territoire et de l’idéologie, mais en opposition avec les directives militaires de l’époque. Night Attack n’est donc qu’un récit historique et patriote, qui ridiculise bien entendu les japonais à bord de leurs avions surimprimés, mais sans réelle valeur politique. S’il avait quarante ou soixante ans de plus, sa structure, ses enjeux et sa mise en scène paraîtraient certainement novateurs ; en l’état, on s’endort devant l’interminable assaut nocturne et ses explosions redondantes, on n’essaye plus de comprendre les métaphores à base de poussins et autres animaux, et on s’étonne que les distributeurs n’aient rien de mieux à acquérir pour raviver la flamme des cinémas d’Asie en France. A moins que tout ceci soit une bonne blague faite aux chinois, pour mieux rire d’un studio caricatural et rétrograde. On voudrait bien en rire aussi, car il y a de quoi, mais l’ennui l’emporte aisément sur la parodie involontaire, qui destine ces films à l’Etrange Festival et autres aficionados de curiosités ratées, bien plus qu’à une quelconque manifestation en l’honneur des échanges culturels sino-français. Maintenant, si on leur a refilé PJ, Plus belle la vie et Navarro en retour, c’est – sans mauvais jeu de mot – de bonne guerre !

Night Attack faisait partie d’un sélection "La Chine en marche" au cours de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010).

- Article paru le jeudi 25 mars 2010

signé Akatomy

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