Nude Fear
Tout commence en 1978. Une petite fille attend sa mère à la sortie de l’école. Bientôt, tous ses camarades sont partis, et elle se retrouve seule - mais elle continue tout de même à attendre. Au bout d’un moment, elle décide de rentrer seule chez elle. La porte de son appartement est entrouverte. La petite fille rentre, appelle sa mère qui ne lui répond pas. Et pour cause, celle-ci est étendue sur le sol au fond de la pièce principale, nue, sur le ventre. A en juger par la quantité de sang sur le sol, les murs et même au plafond ( !!!), elle est aussi on ne peut plus morte. Mais la petite fille ne semble pas réaliser que sa mère est décédée ; elle pense plutôt, naïvement, que celle-ci est fâchée contre elle. Du coup, elle s’installe à table pour dessiner, comme si de rien n’était...
On fait un bond de vingt ans en avant. La petite fille, Joyce Chan (Kathy Chow), a grandi et s’est transformée en une jeune femme superbe, doublée d’une profileuse hors-pair. Sa carrière au sein de la police est exemplaire, sa vie tout entière semble consacrée à la vengeance de sa mère. Perturbée, Joyce ? Si peu : elle mange en regardant sans cesse les photos de scènes de crimes, toutes plus sanglantes les unes que les autres, qui ornent les murs de son appartement. Son détachement, qui apparait totalement dépourvu d’empathie, est particulièrement effrayant.
Les affaires suivent le cours "normal" de meurtres plus ou moins violents jusqu’à ce que Joyce soit appelée pour étudier une scène de crime bien particulière : la signature (et non pas le modus operandi, les scénaristes ne feront décidément jamais la différence entre les deux) y est la même que pour l’assassinat de sa mère. Copycat ou récidive tardive ? L’arrestation d’un suspect d’une vingtaine d’années (Sam Lee, un peu plus menaçant qu’à l’habitude), qui avoue avoir tué quatre femmes de cette même façon, sème le doute au sein de l’équipe de Joyce, mais la femme de 28 ans ne s’y laisse pas méprendre. Le jeune criminel en sait néanmoins beaucoup plus qu’il ne veut bien le dire, mais il se suicide avant que Joyce ait pu lui soutirer la moindre information de valeur. L’apparition calculée de May, une jeune fille que le prétendu assassin de sa mère aurait gardé prisonnière pendant plus de douze ans, va donner le départ d’un jeu du chat et de la souris, dans lequel le rôle de Joyce, initialement prédatrice, va rapidement se retrouver inversé...
On pourrait, comme beaucoup trop de gens, tenter une fois de plus le rapprochement serial killer = copie de Seven, connaissant le côté outrageusement opportuniste des producteurs HK. Mais ce serait oublier que ce sous-genre du film policier/d’horreur (car les œuvres traitant de tueurs en série se retrouvent souvent à la lisière des deux genres) ne se limite pas au chef-d’œuvre de David Fincher qui, s’il constitue un film exceptionnel, n’en demeure pas moins bourré d’erreurs quant à la psychologie de ces monstres trop humains. Non, au cours de sa première heure, Nude Fear ferait plutôt penser à un Henry, Portrait of a Serial Killer, ou encore à un Clean, Shaven. Car, si Alan Mak n’est pas un réalisateur remarquable, on peut au moins lui reconnaître un certain talent à œuvrer dans le sordide le plus complet. La froideur avec laquelle est traitée la présentation du personnage de Kathy Chow, que ce soit enfant ou adulte, est proprement repoussante ; la sensation de claustrophobie provoquée par les premières images du film est renforcée par des détails d’arrière plan tous plus malsains les uns que les autres.
Au moins, pour une fois, la présentation de l’activité de profilage respecte une certaine véracité, et, au cours de la description de la première scène de crime, à but uniquement introductif, mais aussi au cours de celle qui enclenche véritablement le début de l’histoire - à savoir le retour supposé du tueur de la mère de Joyce - on se croirait en plein Serial Killer 101. Le film se concentre ensuite sur la chasse du tueur, et sur ses mises en scènes diaboliques. La violence est assez froide, comme tous les personnages du film, et l’humour n’a pas sa place dans le film d’Alan Mak : les seules blagues - toujours déplacées, qui plus est - sont celles du médecin légiste, ou encore celles du chef de Joyce, à la frontière du harcèlement sexuel assumé - pas de quoi se détendre véritablement, quoi.
Du coup, on se prend à espérer beaucoup de Nude Fear, mais c’est sans compter sur un essoufflement narratif qui rappelle furieusement ce que l’on pourrait appeler le ’syndrome Navarro’ : une fois l’identité du tueur révélée, le film s’enlise dans une démonstration trop explicite pour ne pas devenir involontairement risible.
L’angoisse laisse place à une didactique de supermarché maladroite, pour emmener le film jusqu’à ses derniers débordements de violence (on remarque d’ailleurs avec surprise que Nude Fear ne s’est vu affubler qu’une simple catégorie IIB). L’épitaphe du film, qui le dédie à un ami éloigné, dont le réalisateur "souhaite le cauchemar terminé" ancre le film dans une réalité terriblement douteuse, qui sent trop le démonstratif à la Death Wish pour être véritablement honnête.
Et oui, vous l’aurez compris, d’un film d’ambiance initialement plutôt réussi, Alan Mak aura réussi à tirer un téléfilm d’exploitation finalement simpliste. Dommage.
Nude Fear est édité en DVD par Mei-Ah ; interface insupportable, copie sans couleurs, sous-titres approximatifs, bande-son 2.1 bien platte... Rien de bien surprenant, somme toute !
(Le film est bien sûr disponible en VCD HK aussi.)


