Nuits d’ivresse printanière
Raw footage.
Les interdits, Lou Ye n’a pas l’habitude de les respecter. Il faudrait plus qu’une interdiction de tourner de cinq ans après avoir présenté à Cannes son précédent métrage, Une jeunesse chinoise, qui évoquait la révolte étudiante de Tien An Men, pour l’arrêter. Le réalisateur chinois revient avec un nouveau film sulfureux : Nuits d’ivresse printanière. Il s’attaque bille en tête à un tabou d’un cinéma chinois pour le moins pudibond, en racontant des histoires d’amour, où les relations homosexuelles sont montrées sans fard. Une attitude sans concession qui est tout à son honneur.
De nos jours à Nankin, Wang Ping entretient une relation amoureuse avec un autre homme Jiang Cheng. Sa femme se doute de quelque chose et engage un jeune homme, Luo Haitao, pour suivre son mari. Lors d’un diner en sa présence, l’amant comprend rapidement qu’elle est au courant de leur liaison. Elle va alors confronter son mari à la vérité pour qu’il mette fin à sa liaison. C’est finalement Jiang Cheng qui va jeter l’éponge après l’irruption à son travail de la femme de Wang Ping transformée en furie. Le mari ne se remettra pas jamais de cette rupture. Luo Haitao tombe à son tour sous le charme de Jiang Cheng, même s’il entretient une relation avec une couturière, Li Jing. Tous les trois vont partir ensemble en voyage. Cette aventure connaîtra-elle un dénouement plus heureux que la précédente ?
Akatomy utilisait l’image du trou noir pour caractériser l’héroïne d’Une jeunesse chinoise. Cette image convient également ici pour décrire Jiang Cheng, dont le charme est destructeur pour ceux s’approchant trop près de lui. Chez le réalisateur chinois, la passion exerce une force centripète qui éloigne les personnes qu’elle devrait rapprocher.
Le refus des concessions de Lou Ye se retrouve aussi dans sa manière d’aborder les scènes d’amour. Quand les corps saisis par la passion s’étreignent, il les montre à l’état brut, les filmant au plus près. Sa caméra numérique place le spectateur dans l’intimé des amants. Une crudité dans la représentation qui pourra mettre mal à l’aise.
L’énergie du cinéma de Lou Ye donne à plein lorsqu’il nous fait découvrir les milieux underground chinois où se produisent travestis, groupes de rock... Sa caméra toujours très mobile y fait merveille, se perdant dans la foule, filmant en gros plan des visages éclairés par des spots de couleur... L’ambiance de Nuits d’ivresse printanière se rapproche alors le plus de celle d’un film tourné dans la clandestinité, ce qu’il est.
Malheureusement, l’intérêt pour le film s’émousse au cours de la deuxième partie. Nuits d’ivresse printanière se dilue dans la répétition, à certaines variations près, de l’histoire du premier « trio ». Il est aussi alourdi par une relation amoureuse de trop, celle tissée entre la couturière et son patron. D’autant plus que vient se greffer une histoire de travail clandestin. Cette relation a malgré tout l’avantage de rééquilibrer le film entre ses composantes homosexuelle et hétérosexuelle. Lou Ye souhaitait faire un film sur l’amour sans connotation sexuelle particulière.
Nuits d’ivresse printanière était projeté en compétition officielle lors de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010). Il sortira sur les écrans français le 14 avril.



