The Old Woman With The Knife
Old Girl.
Hornclaw n’est pas une tueuse à gages comme les autres : non seulement son éthique lui impose de n’éliminer que la vermine, la lie de notre société, mais il s’agit en plus d’une sexagénaire. Recueillie dans sa jeunesse par un couple, propriétaire d’un restaurant, dont le mari l’a sortie de la misère et initiée à son art de sicaire, elle a bien du mal à préserver l’héritage de feu son mentor – idéal qui se complique encore un peu plus avec l’arrivée dans les rangs de son organisation, bien malgré elle, de Bullfight. Jeune feu follet sans foi ni loi, celui-ci est décidé à s’imposer comme un partenaire aux antipodes de ses méthodes et valeurs. C’est qu’il n’y a plus de respect, voyez-vous.
Il y a dans The Old Woman With The Knife beaucoup de belles et bonnes idées, la première étant bien entendu d’offrir un rôle en or à Lee Hye-young, 62 ans, pour faire la nique à tous ceux qui dédaignent les actrices d’âge mûr. Min Kyu-dong, que les lecteurs de la première heure de Sancho portent dans leur cœur depuis sa première (co-) réalisation en 1999, le merveilleux Memento Mori, ne s’est pas trompé en choisissant l’actrice, qui a côtoyé aussi bien Hong Sang-soo qu’Im Kwon-taek et Ryoo Seung-wan. En effet, celle-ci endosse à merveille toutes les facettes de son personnage – l’âge avec un grand A, bien sûr, mais aussi la droiture, la violence, l’affection... Ce dernier trait notamment, est la réponse de Hornclaw à la déliquescence de sa/notre société : puisque tous les coups semblent désormais permis, la tueuse oppose finalement l’empathie, interdit absolu de son métier, à l’indécence et l’indifférence froides de la jeunesse. Du moins pendant un temps.
Il y a malheureusement aussi dans The Old Woman With The Knife, une facilité sud-coréenne très teintée de Park Chan-wook, qui est le jeu de la mémoire – ou plutôt de son surgissement progressif -, au travers du truchement de flashbacks qui, à mon sens, viennent inutilement perturber le flux de la narration. Sans doute est-ce la marque du roman à l’origine du film, mais il y a là une forme de dédouanement à la Old Boy, un prétexte plutôt qu’une justification narrative... Quelque chose en tout cas, qui tient longtemps lieu d’artifice. D’autant que le ressort n’est pas toujours crédible : c’est une chose de s’interdire certaines relations, une autre de les oublier quand elles sont fondatrices.
Toutefois, sans trop vous dévoiler l’issue de l’histoire, il faut rendre au film ce qui lui appartient : une fois le tableau recomposé et l’artifice consommé, The Old Woman With The Knife assume avec force la brutalité de son discours sur la transmission et la filiation, reprend du galon et évite ainsi l’écueil que j’ai toujours associé au classique de Park Chan-wook en dépit de ses nombreuses qualités. Et si l’on comprend alors les choix effectués, il y avait peut-être moyen d’arriver à la même conclusion avec un peu plus de subtilité – narrative, il s’entend. La brutalité du film elle, étant tout à fait louable et spectaculaire.
Victime d’un surdécoupage narratif et visuel, The Old Woman With The Knife, tout de même bien plus qu’un simple actioner sénior au féminin, contrebalance ses lacunes et incohérences par une interprétation de premier choix, et l’objectif d’une histoire, sombre conte sur le manque d’affection et différentes acceptations de la reconnaissance, qui fait que, pour une fois, la destination l’emporte sur une partie du voyage.
The Old Woman With The Knife a fait le tour des festivals plus ou moins spécialisés cette année. Personnellement, je l’ai vu à l’ASNIFF à Nantes.











