One Night Husband
La fin de l’année 2002 aura été l’occasion pour le public français de faire connaissance avec un échantillon de la production cinématographique thaïlandaise. Blissfully Yours et Les Larmes du Tigre Noir se sont succédés à quelques semaines d’intervalle sur nos écrans. Le festival de Deauville 2003 nous aura permis de découvrir de nouvelles facettes de ce cinéma avec le formalisme de Nothing to Lose de Danny Pang, et le film qui nous intéresse ici, One Night Husband de la réalisatrice Pimpaka Towira.
Suite à un appel mystérieux téléphonique en plein milieu de sa nuit de noce, Sipang, jouée par la chanteuse de pop thaïlandaise Nicole Theriault, voit son mari Napat disparaître. Alors que la police semble se donner peu de mal pour tenter de le retrouver, Sipang va se charger de l’enquête. Afin d’obtenir de l’aide, elle va se retourner vers la personne qui devrait prendre le plus à coeur cette disparition, le frère de son mari, Chatchai. Or ce dernier semble étrangement peu surpris de la disparition de son frère, et sa femme cacher un secret. Son enquête va l’amener à découvrir que son mari, honorable professeur d’université de son état, n’est pas celui qu’elle croyait.
Une apparence trompeuse, ce qui est également le cas de ce film. Sous couvert d’un thème déjà largement exploité par le cinéma et sous la forme d’une énigme policière, c’est un portrait de femme(s) que nous dresse la réalisatrice. "L’héroïne" Sipang est une jeune femme moderne, éduquée et indépendante qui travaille pour une agence de publicité. Au contraire, sa belle-soeur Busaba semble confinée dans sa propriété, sous le joug de son mari. Pourtant, malgré ces différences, les deux jeunes femmes vont se découvrir des affinités. L’intimité entre les deux femmes est renforcée par le partage d’un secret, mais là encore les choses ne sont pas forcément ce qu’elles semblent être.
Je ne m’avancerais pas plus avant dans l’exégèse de ces personnages, ma connaissance de la condition féminine en Thaïlande étant inexistante. Par l’intermédiaire de ce portrait, c’est en tout cas une version sombre du rapport dans le couple que nous livre la réalisatrice. Comme avec d’autres films de la sélection deauvilloise, (cf Plastic Tree) l’image du mâle asiatique n’en sort pas grandie. Le mouvement de libération de la femme a encore du travail à faire dans cette partie du monde.
Après une première partie qui peut sembler de prime abord conventionnelle, le film va s’aventurer - alors que l’on se rapproche de sa conclusion - à la lisière du fantastique. Cet air de déjà vu, auquel s’ajoute le tempo lent imprimé par Pimpaka Towira à sa mise en scène, peuvent expliquer la déception ressentie par certains spectateurs lors de la vision du film. Pourtant, ceux qui auront tenu bon seront récompensés. Le dénouement ou plutôt les dénouements, car le film joue jusqu’au bout sur deux niveaux, celui de l’enquête et du portrait, éclairent le film d’un jour nouveau. La réalisatrice nous offre en outre certains des plus beaux moments du film, tant au niveau visuel que de la mise en scène. On pourra retenir parmi de nombreux exemples, le magnifique plan où les profils des deux femmes se superposent.
L’allemand Christoph Janetzko assure le poste de directeur de la photo, après s’être illustré en tant que réalisateur de courts-métrages expérimentaux. Dans l’ultime scène du film, Pimpaka Towira se permet d’utiliser avec intelligence un artifice de mise en scène pour illustrer son propos. Je ne l’aborderai pas ici dans le détail pour ne pas vous priver d’un des meilleurs moments du film. Comme ce film revêt la forme d’une enquête, je vous donne toutefois un indice : David Cronenberg a utilisé le même procédé dans son dernier film Spider (que je recommande chaudement), mais pour illustrer l’idée opposée...
Critique cinéma pour le journal thaïlandais "The Nation", responsable de la programmation du festival du film de Bangkok en 2001, mais surtout réalisatrice de plusieurs courts-métrages depuis la fin des années 80, Pimpaka Towira est loin d’être une inconnue sur la planète-cinéma du sud-est asiatique. Une expérience qui n’a pas été gâchée dans ce premier long métrage très abouti.
One Night Husband a été diffusé lors de l’édition 2003 du festival du film asiatique de Deauville, et devrait sortir sur les écrans thaïlandais prochainement.




