One Nite in Mongkok
Il suffit d’une altercation pour que les rues de Mongkok s’embrasent : le fils de Tim casse une bouteille sur le crâne de Franky pour une sombre histoire de territoire, Franky se venge et cherche à intimider son aggresseur sur la route... sauf que celui a un accident et décède, sa passagère se retrouvant, brûlée au dernier degré, à l’hôpital. Il est peut-être important de mentionner que Tim est un chef mafieux et que Franky est l’un des hommes de Carl, l’un de ses adversaires. Franky est éliminé en retour, mais la perte d’un fils peut difficilement être compensée... Milo (Alex Fong), detective du CID, sent bien que la situation va dégénérer, brisant l’équilibre fragile de la zone la plus densément peuplée de la planète, havre du piratage et de la contrefaçon. Son informateur confirme cette crainte, lorsqu’il lui apprend que Liu (Lam Suet), dealer en tout genre dissimulé derrière un commerce de téléphones portables, a recruté au nom de Tim un assassin venu du Mainland pour exécuter Carl. Il s’agit de Lai Fu (Daniel Wu), un jeune homme sans expérience issu d’un village très pauvre de Chine Continentale. Le voyage pour lui, a un objectif double : remplir son contrat et ainsi ramener de l’argent à sa famille, mais aussi retrouver Sue, sa promise dont il est sans nouvelles. Ce qu’il ne sait pas, c’est que toutes les forces de l’ordre de Mongkok sont à ses trousses pour l’empêcher de mettre le feu aux poudres en cette veille de Noël. Et pour compliquer encore la chose, Lai Fu se rapproche de Dan Dan (Cecilia Cheung), jeune prostituée originaire d’un village voisin du sien, en se mettant à dos l’un de ses clients, le très violent Walter. Pourtant tout le monde sait bien qu’à Hong Kong, la nuit est le lieu de convergences inopportunes...
One Nite in Mongkok, vainqueur d’une floppée de prix mérités à Hong Kong en 2004, est une réminiscence bienvenue des cinémas de Patrick Leung (Task Force) et Patrick Yau (The Longest Nite), et vient rappeler que la nuit hongkongaise n’appartient pas qu’à Johnnie To. Il partage cependant avec le réalisateur prodige, cette conception d’une nuit-unité, de temps et d’action, où toutes les résolutions même fortuites, sont du domaine des possibles. Autre similitude avec le cinéma du réalisateur de PTU, sa conception chaotique, au sens mathématique du terme, de la destinée humaine, mise en branle au travers d’un incident singulier. Il s’offre ainsi le luxe d’une certaine versatilité, s’adaptant avec aisance à la redéfinition constante et discrète de son enjeu narratif. S’il emprunte beaucoup, dans son concept de la nuit où tout peut basculer, à The Longest Nite, il ne joue toutefois pas le jeu de la même inertie, simpliste et efficace, mais lui préfère un centre de gravité pluriel, au travers de problématiques qui s’avèreront être concentriques. Une telle ambition n’est possible qu’au travers de personnages et d’entités protagonistes bien définies, traités sur un pied d’égalité.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que One Nite in Mongkok fait avant toute chose la part belle à l’Homme. En juge déprimé d’une situation qu’il ne maîtrise que de manière illusoire, Alex Fong est excellent, parvenant presque à voler la vedette à Daniel Wu. Ni noir ni blanc mais bel et bien gris comme tous les protagonistes de la nuit à Mongkok, son Milo est un personnage complexe, capable de jauger les conséquences du moindre des actes de ses hommes. Un chef d’équipe redoutable, qui n’aspire pas tant à la paix qu’à la survie des siens. Le fardeau qu’il porte est celui d’une compréhension des mécanismes qui gèrent l’engrenage de ce quartier hors des loi, ainsi que des actes de violence humaine. Un « talent » qui fait forcément de lui même si ce n’est jamais explicité, un pessimiste redoutable.
Face à lui, l’entité Lai Fu/Dan Dan incarne toutes ses craintes. Chacun de leur côté, ils ont le talent malheureux de constamment mettre le doigt dans l’engrenage, dans une volonté optimiste de prendre un petit morceau de la couverture. Réunis, plutôt que d’être plus fort, ils fragilisent plus encore cet édifice d’innocence qui est le leur. Les prestations de Daniel Wu et Cecilia Cheung sont comme souvent excellentes ; le premier merveilleusement déterminé, la seconde dissimulant derrière son côté kawaï, l’usure de sa propre abnégation. Entre Milo et Lai Fu, elle commence à entrevoir le poids des choix que chacun peut effectuer, dans un univers que tout le monde semble finalement subir.
Gravitant autour de ces trois personnages, One Nite in Mongkok s’affirme comme une histoire magnifique de mécanisme funeste. Pessimiste à l’extrème, Derek Yee y affirme que dans un environnement aussi obscure, même les meilleurs volontés aboutissent aux pires des actes, tandis qu’un comportement borderline peut vous amener respect et récompense. Et, surtout, qu’un acte de violence est irreversible. One Nite in Mongkok est un lieu, un espace-temps de perversion de toute chose - sauf, bien entendu, de l’immense talent, de metteur en scène et de conteur, de son réalisateur.
One Nite in Mongkok est disponible en DVD HK chez Universe, copie anamorphique nickelle et sous-titres anglais.




