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Para entrar a vivir

aka A louer - Peliculas para no dormir : Para entrar a vivir | Espagne | 2006 | Un film de Jaume Balaguero | Avec Macarena Gomez, Nuria Gonzalez, Adria Collado, Ruth Diaz, David Sandanya, Roberto Romero

Clara et Mario sont à la recherche d’un nouvel appartement, car il ne fait aucun doute que la grossesse de Clara se concluera sur un besoin d’espace. Le leur est déjà vendu, aussi faut-il faire vite ; c’est pourquoi Mario enchaîne les visites, dans l’espoir de trouver la perle rare. Aujourd’hui, il croit d’ailleurs la tenir : récupérant sa femme à la sortie de l’hopital, il l’emmène visiter un appartement au rapport surface / prix étonnant. Clara, épuisée par les visites autant que par la maternité, s’assoupit sur le siège passager...
Lorsqu’elle se réveille, il pleut à torrent et Mario semble perdu dans une zone sinistrée, au milieu de terrains vagues et de chantiers délaissés. Seul dans ce paysage dévasté, un immeuble se dresse, où les attend la dame de l’agence. Le bâtiment est sale, en mauvais état, les escaliers jonchés de mannequins démembrés : la première impression est négative et Clara veut s’en aller. Mais quitte à être venus jusqu’ici... L’appartement est grand certes, mais pas plus reluisant que le reste. Et leur hôte a une facheuse propension à leur forcer la main, comme s’ils avaient déjà signé. C’est en s’allongeant dans la chambre sous le coup d’un malaise, que Clara trouve sur la table de chevet une photo leur appartenant, au moment même où Mario tombe, dans un couloir, sur une paire de chaussures qu’il avait jetée une semaine auparavant...

Sans doute réchauffés par le succès du projet Masters of Horror, les espagnols se jettent à leur tour dans la série horrifique télévisuelle, ressuscitant une institution ibérique qui a quand même connu aussi bien les années 60 que les années 80, Peliculas para no dormir (« des films pour ne pas dormir »). Sous la supervision de Narciso Ibáñez Serrador, auteur sur la première version et réalisateur du célèbre Quien puede matar a un niño, le gratin du cinéma de genre espagnol se voit donc offrir une soixante de minutes pour coller la pétoche aux téléspectateurs de la chaîne Telecinco. Et tout ça arrive chez nous en DVD, pour notre plus grand plaisir. Surtout quand il s’agit de recroiser le chemin de Jaume Balaguero.

Adulé autant que détesté, Balaguero est le réalisateur de l’un des exercices de style sur le mal les plus beaux qui soient, Los Sin nombre d’après Ramsey Campbell. Para entrar a vivir, second épisode de la série dans sa mouture nouveau millénaire après celui d’Alex de la Iglesia, lui offre l’opportunité, après Darkness et Fragile, de se replonger dans une étude visuelle de la méchanceté pure... l’écriture de Campbell en moins.

Car oui, Para entrar a vivir n’est pas Los Sin nombre. Démonstration de violence télévisuelle improbable, c’est un survival en huis-clos à l’écriture minimaliste, tout entier conçu autour de la mise en scène de la panique et de la cruauté, quelque peu entâché par la toute puissante propension universelle au twist. Plaçant son couple protagoniste face à une concierge qui a fait le grand saut mental (effrayante Nuria Gonzalez), Balaguero s’amuse avec une caméra à retour de force, explore les possibilités de l’immeuble-personnage autant qu’il s’attache à filmer les émotions changeantes du visage troublant de Macarena Gomez, ou à user des hurlements d’un enfant apeuré, enfermé dans un autre appartement. Conscient des limitations de son sujet, il délaisse une narration classique au profit de la brutalité pure, laissant un motif pervers d’action/réaction guider son talent de réalisateur. Le résultat est troublant dans sa violence, parfois onirique même si c’est d’une façon « classique » (les mannequins qui « habitent » les appartements vides), toujours ahurissant dans sa méchanceté gratuite. N’allez pas croire que je ne cautionne pas la démarche, ni ne salue le courage de Telecinco de diffuser une telle œuvre à la télévision (les espagnols ont toujours été bien plus ouverts que nous, de toute façon !) ; c’est juste qu’il manque à Para entrar a vivir une écriture pernicieuse, une construction de son paroxysme trop constant, un mécanisme de vilainie comme celui qui fait de Los Sin nombre une délicieuse charogne, pour devenir autre chose qu’un téléfilm brutal et bien réalisé, mais sans éclat véritable. D’autant que le twist comme d’habitude, est tellement prévisible... Bref, c’est impressionnant et ça claque comme un coup de poing au visage et c’est déjà beaucoup ; mais on s’en relêve tout de même sans grande difficulté, sans blessure interne irrémédiable.

Para entrar a vivir est disponible en DVD en France (merci Mad Movies !) et en Espagne.

- Article paru le mercredi 14 mars 2007

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