Peking Opera Blues
Peking Opera Blues, ou comment réunir l’équipe nécessaire à la réalisation d’un chef-d’oeuvre...
Devant la caméra, on retrouve tout d’abord Brigitte Lin, la plus grande femme du cinéma HK post-80, actrice inoubliable et magnifique de The Bride with White Hair, Swordsman 2, Dragon Inn, Ashes of Time et j’en passe. A ses côtés, Sally Yeh et Cherie Chung complètent le trio féminin protagoniste. La première, vous la commaissez principalement pour son interprétation de Jennie dans The Killer - les fans hardcore de Tsui Hark se souviendront néanmoins surtout de son rôle dans I Love Maria (Roboforce) - nul autre que Maria elle-même. La seconde, Cherie Chung, s’est distinguée plusieurs fois aux côtés de Chow Yun-Fat, que ce soit pour Ann Hui (The Story of Woo Viet), Mabel Cheung (An Autumn’s Tale), Ringo Lam (Wild Search) ou encore John Woo (Once a Thief) - on a connu palmarès moins prestigieux.
Pour leur tenir compagnie, qui de mieux placé que Wu Ma (qu’il n’est pas nécessaire de présenter), Mark Cheng (City on Fire, Gunmen, Raped by an Angel) ou encore Kenneth Tsang (The Killer, A Better Tomorrow 1 & 2, To Be Number One) ? Ca, c’est pour le casting. Mais ce n’est pas tout, car il faut aussi assurer derrière la caméra, et en post-production...
Qu’à cela ne tienne ! Ching Siu-Tung aux chorégraphies, David Wu (Hard Boiled, Gunmen, Bullet in the Head, The Bride with White Hair, et récemment Le Pacte des loups et The 51st State) au montage, Poon Hang-Sang (A Chinese Ghost Story, Heroic Trio, Shanghai Grand, et lui aussi The 51st State) au poste de chef-opérateur, James Wong (A Chinese Ghost Story, Once Upon a Time in China, Green Snake) à la musique... et bien sûr, Tsui Hark lui-même à la production et la réalisation. Ouf !
Rétrospectivement, donc, Peking Opera Blues ne pouvait décemment pas être autre chose qu’un film majeur de l’ex-colonie britannique. Ce qu’il est, bien évidemment...
1913, en pleine révolution démocratique chinoise...
Le Général Tun a perdu sa fortune au jeu contre le Général Tsao. Alors que le premier fuit Pékin, le second s’empresse d’occuper le palais abandonné, accompagné de sa fille Tsao Wan (Brigitte Lin), fraîchement rentrée de ses études à l’étranger. Bon père mais piètre démocrate, le Général Tsao s’apprête à compromettre l’avenir de la Chine en empruntant une large somme d’argent à une banque étrangère - laquelle somme lui permettrait d’asseoir un système despotique. Tsao Wan s’associe donc au groupe révolutionnaire de Pak Hoi (Mark Cheng) pour contrer les plans de son père, et se met en tête de dérober le seul document qui pourrait maintenir le rêve d’une démocratie chinoise en vie : le contrat qui unit le Général Tsao à la banque mentionnée ci-dessus. Au cours de sa mission, elle recevra l’aide inattendue de Sheung Hung (Cherie Chung) et Pat Neil (Sally Yeh), deux femmes elles-aussi aux prises avec une hiérarchie masculine...
Peking Opera Blues est un film à la fois magnifique et paradoxal. L’un des seuls films "féminin" de Tsui Hark, c’est avant tout sa plus grande réussite dans le domaine de la comédie/action. Les personnages de Sheung Hung et Pat Neil sont les deux vecteurs comiques du film. La première est en quête d’une caisse de bijoux qu’elle a dérobée pendant la fuite du Général Tun, et qui se retrouve malencontreusement dans une Opera House de Pékin. C’est dans cette même institution que travaille Pat Neil, fille du propriétaire qui rêve de faire sa vie sur scène - privilège malheureusement réservé aux hommes. L’Opera House, pendant tout le film, est le lieu de la comédie de situation, des méprises et des mises en scènes. Même dans les scènes d’action (le fameux gunfight qui se déroule alternativement au-dessus et au-dessous les tables de l’assistance), le lieu conserve cette aura comique. A l’extérieur cependant, c’est autre chose. Le personnage de Tsao Wan assure les nombreux ressorts dramatiques de l’histoire : le cas de conscience posé par la trahison de son père, la lutte pour la démocratie, la notion d’amitié "intéressée"... Brigitte Lin, comme souvent employée dans un rôle androgyne, reste constamment duale, drôle et triste, courageuse et peureuse. C’est elle qui permet à Peking Opera Blues d’atteindre un tel sommet cinématographique - notamment dans le final inoubliable du film, fabuleux gunfight "latéral" sur les toits de la ville de Pékin - en mélant si bien sujet "grave" et comédie cantonnaise exhubérante.
Incroyablement riche, lourd de sens en dépit d’une approche volontairement outrancière, Peking Opera Blues est à la fois une comédie, un drame historique, un film d’action, une tragédie... et parvient à constituer un ensemble remarquablement cohérent. On s’en réfèrera à l’équipe présentée en tête d’article pour expliquer une telle réussite, véritable trésor du cinéma HK des années 80, et des derniers moments de la Cinema City Film Productions. La fin de toute une époque...
Peking Opera Blues est disponible en DVD HK (et aussi en VCD) chez Media Asia Distribution.
La copie n’est pas magnifique, mais comparée au niveau des DVDs HK sortis à l’époque, s’en tire relativement bien, surtout avec son 5.1 efficace. Les sous-titres sont, eux, carrément approximatifs...