Permanent Nobara
Fraîchement divorcée, Naoko revient dans son village natal avec sa fille Momo, ré-emménage avec sa mère Masako dans la maison qui abrite aussi l’activité de cette dernière : un salon de coiffure du nom de Permanent Nobara, en référence à l’unique coupe qui y est proposée, permanente de boucles serrées et durcies. On se demande, toutefois, si les clientes de Masako viennent réellement là pour se faire coiffer, ou pour échanger, avec couleur et grossièreté, sur l’inconsistance masculine qui semble caractériser la région. A l’image de Masako, dont le mari absent flirte en dépit de son âge avancé de femme en femme, toutes ces dames sont en effet trompées et/ou délaissées ; aussi ne pensent-elles à leur tour qu’à saisir toute opportunité sexuelle qui se présente. Alors que Naoko, secrètement, fréquente celui qui fut un temps l’un de ses professeurs, elle retrouve deux amies d’enfance, Mi-chan et Tomo-chan, elles aussi blessées dans leurs relations de couple.
Amours contrariés ou secrets, douceur et beauté de la vie rurale nippone... A première vue, Permanent Nobara ressemble à s’y méprendre à n’importe quelle comédie romantique japonaise. Pourtant, Daihachi Yoshida (Funuke Show Some Love, You Losers !) a tôt fait de rompre avec le genre, par le biais d’échanges impudiques, imagés ou franchement grossiers, entre femmes de tous âges, d’autant moins réservées qu’elles sont mûres. Un discours qui dessine la toile de fond du film, esquisse l’instabilité relationnelle de cette région côtière, et permet à Yoshida de s’attarder sur le portrait de trois jeunes femmes, clientes promises de ce salon où l’on coiffe une carapace explicite aux douleurs amoureuses.
Naoko, Mi-chan et Tomo-chan ; trois féminités bien distinctes qui délimitent autant de parcours émotionnels, incarnées à merveille par trois actrices complémentaires. La dernière, Chizuru Ikewaki (A Day on the Planet, Josee, the Tiger and the Fish), timide et réfléchie, a perdu son mari, qui, ferré par le jeu, n’est jamais revenu d’un tripot clandestin ; la seconde, Eiko Koike (Kamikaze Girls, 2LDK), enjouée et souriante, a tenté de tuer le sien pour lui faire payer ses infidélités, non par amour mais par peur de n’avoir personne à aimer ; tandis que la première, tour à tour rayonnante et diaphane Miho Kanno (Dolls, Sakuran), entre force et fragilité, évolue dans une relation aussi secrète que ses cicatrices.
D’ordinaire, outre l’attrait de ses actrices, Permanent Nobara n’aurait rien d’exceptionnel. Pourtant, dans sa façon de revenir sur l’histoire de chacune de ses héroïnes, de croquer un héritage d’instabilité relationnelle (petites, les filles comparaient sans cesse leurs « nouveaux » pères) et d’introduire des personnalités iconoclastes (le père de Mi-chan notamment, qui abat des poteaux électriques en pleine nuit à la tronçonneuse, pour débiter le bois et se faire de l’argent), Yoshida parvient à susciter intérêt et affection. Et surtout à dissimuler au sein de Permanent Nobara un second film, plus douloureux, qui explicite les blessures de Naoko et la nature de sa relation amoureuse avec un talent de mise en scène remarquable.
Je ne vous révèlerais pas ici cette fin de parcours, superbe. Sachez toutefois que Daihichi Yoshida y récompense comme rarement l’implication du spectateur, donne une cohérence inattendue à Naoko, justifie les merveilleuses nuances du jeu de Miho Kanno et confère à Permanent Nobara une autre ampleur, insoupçonnable à premier abord. Celle d’un film réfléchi et profond, où le familier dissimule l’exceptionnel, où l’humour et la grivoiserie éloignent les larmes et les peines, et ou les femmes, finalement peu revanchardes, gardent toujours la volonté d’être heureuses, libres et vivantes, ainsi que l’illustre le sourire éblouissant d’Eiko Koike.
Permanent Nobara, disponible en DVD japonais sans sous-titres, avait été présenté au cours de la 11ème édition du Festival du film Japonais de Francfort Nippon Connection (2011).
Remerciements à Dennis Vetter et Dimitri.







