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Hong Kong

Phantom of Snake

Hong Kong | 2000 | Un film de Hsien Yueh | Avec Cecilia Yip Tung, Jade Leung Chang, Michael Tong Man-Lung, Jimmy Wong Ga Lok, Penny Lam

L’inspecteur Wang commence à avoir de sérieux ennuis avec ses supérieurs : quatre personnes déjà ont été assassinées - visiblement sous l’effet de morsures de serpents - et pourtant Wang et son équipe ne parviennent pas à mettre la main sur le moindre petit indice. A moins que cet étrange "caillou" que Wang a trouvé sur la scène du dernier crime ne puisse mener à quelque chose ; en rendant visite au Professeur Chen, spécialisé dans l’étude de ces charmants reptiles que sont les serpents, ce dernier s’émerveille devant l’état de conservation de ce qui s’avère être un oeuf fossilisé. Un soir, alors que Wang traque une jeune femme au comportement étrange, il s’aperçoit qu’elle possède elle aussi un tel oeuf, en dépit de leur prétendue rareté.
La demoiselle en question, c’est Black Snake (Cecilia Yip), une mystérieuse femme-serpent à la recherche de l’homme qui l’a quittée, assistée en cela par la très jolie Green Snake (Jade Leung)...

Ce que vous pouvez être prévisibles parfois... Je vous vois venir d’ici : "ohlala voilà-t-il pas que les hongkongais nous resservent un remake cheapos de cet énième chef-d’oeuvre de Tsui Hark qu’est Green Snake". Et bien figurez-vous que pas du tout. En réalité, Phantom of Snake est non seulement très différent de Green Snake, mais en plus parfaitement différent de tout. Dire qu’il ne ressemble à rien aurait une connotation péjorative ; dire qu’il est aussi unique qu’original serait par conséquent plus juste - et je vous assure que c’est bien le cas. Des preuves de ce que j’avance ? Difficile de retranscrire l’atmosphère qui se dégage à la vision du film à l’aide de quelques captures ou d’autant de mots ; je vais tout de même essayer, vu que c’est l’objectif de cet article...

Tel quel, mon résumé de Phantom of Snake vous amène certainement à penser que la question de l’identité des personnages interprétés par Cecilia Yip (Peace Hotel, OCTB) et Jade Leung (les Black Cat, The Peeping Tom, U-Man) fait partie intégrante de l’intrigue du film. En fait non, et d’ailleurs l’enquête qui entoure les morts par morsure non plus. Le personnage de Wang sert tout au plus de point d’entrée "réel" dans l’univers dépeint par Hsien Yueh. En parallèle de sa pseudo-enquête, le spectateur suit les errances des deux magnifiques femmes-serpent, et ne doute jamais de leur caractère fantastique. Pourquoi ? Et bien simplement parce que celui-ci est amené de telle façon à être admis une bonne fois pour toute. Sur quoi va se recentrer Phantom of Snake alors - sur la découverte de cette réalité par Wang ? Non plus. Le film est une espèce de tranche de vie surréaliste, qui nous montre la quête de deux serpents devenus humains pour l’un des leurs. La question de la culpabilité des meurtres ne sera d’ailleurs jamais explicitement résolue ; ce qui intéresse Hsien Yueh est avant tout (et uniquement d’ailleurs) le traitement à l’écran de ses deux personnages, vecteurs d’un fantastique discret mais avant tout d’un jeu de séduction hors du commun.

Car Phantom of Snake serait pour ainsi dire parfaitement creux sans les prestations remarquables de Cecilia Yip et Jade Leung. Dès leur première apparition à l’écran, le spectateur est comme hypnotisé par leur façon de bouger, très marquée, à la fois subtile et surjouée mais qui fonctionne à merveille. Aidée par un travail très poussé sur les regards et les expressions, leur gestuelle devient rapidement le véritable moteur du film. Chacun de leurs échanges - qu’ils soient tactiles, télépathiques ou parlés - est un authentique moment d’émerveillement. Si on se demande au départ comment le réalisateur compte construire un film complet sur un simple langage visuel, on se laisse rapidement emporté dans ce "trip" très sain ; Wong Kar-Wai ne joue-t-il pas, finalement, des mêmes méthodes pour donner corps à ses histoires d’amour ? Alors bien sûr, Phantom of Snake n’est pas non plus In the Mood for Love ; mais la magie d’un travail avant tout corporel est bien là, et parvient à situer le film de Hsien Yueh sur cette frontière cinématographique délicate qui sépare le vide de la réussite la plus surprenante. Du coup, évidemment, cette réussite "équilibriste" doit beaucoup au talent des deux actrices, qui parviennent à développer une forme d’érotisme inhabituelle, sans jouer de provocations faciles ou de dénudés suggestifs ; tout ici est concentré dans une démarche, un regard plus ou moins perdu, un simple mouvement de tête.

Phantom of Snake est donc un film à part dans les productions HK récentes. Utilisant le polar fantastique comme point d’ancrage, il devient rapidement un véritable film d’ambiance - servi en cela par une bande-son aussi décalée et hypnotisante que les images qu’elle accompagne. Rarement un film aussi particulier aura-t-il réussi à rester du "bon côté de la barrière", sans pécher par excès de différence ou sombrer dans le kitsch le plus complet. Chapeau bas à Hsien Yueh et à ses actrices - avec une mention spéciale pour Jade Leung - pour cet objet aussi incongru que merveilleux !

Malheureusement, Phantom of Snake n’est disponible qu’en VCD HK chez Deltamac.

- Article paru le dimanche 16 février 2003

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