Phantom the Submarine
En 1999, à bord du sous-marin coréen Janbogo, au cours d’un exercice conjoint entre les armées américaines et coréennes... Un gradé perd le contact avec la réalité, persuadé que l’exercice n’en est plus un et que tous les vaisseaux détectés au sonar sont à ses trousses. Devant la volonté du gradé d’utiliser de véritables torpilles pour gérer la crise imaginaire, l’officier Chan Suk-Lee (Jeong Wu-Seong) se voit contraint de tirer une balle dans la tête du soldat.
De retour à sa base, Suk-Lee est jugé pour son crime. La décision, surprenante, est sans appel : l’officier est condamné à mort pour l’assassinat de son supérieur. Chan Suk-Lee fait face au peloton d’éxécution. Pourtant, quelque temps après, cet homme légalement décèdé se réveille. A son chevet se trouve un soldat qu’il ne connaît pas : le commandant 202 est le second du sous-marin Phantom, un vaisseau russe de classe Sierra récupéré par le gouvernement coréen en substitut de dette. L’existence du Phantom, en tant que premier sous-marin nucléaire sud-coréen, est bien sûr top-secrète, et Chan Suk-Lee, dépossédé de son identité pour le matricule 431, est enrôlé de force à son bord.
Suk-Lee se retrouve donc membre de l’équipage du Phantom, pour un exercice dont personne ne semble connaître l’objectif véritable à part le capitaine en place. Il s’avère rapidement que celui-ci s’est mis en tête de couler le sous-marin en eaux japonaises ; une mission suicide visant à déposséder la Corée d’une arme qu’il juge trop dangereuse. Le second 202 assassine le traître et prend le commandement du Phantom, bien décidé à affirmer la puissance nouvelle de son pays, et rectifier ainsi le tir de plusieurs siècles d’humiliation étrangère. Suk-Lee, seul contre tous, tente d’empêcher 202 de déclarer la guerre aux Japonais...
Sur papier, le pitch de Phantom the Submarine rappelle quelque peu le Crimson Tide (USS Alabama) de Tony Scott. Il faut dire aussi que le film de sous-marin - sous-genre à part entière du film de guerre - se limite à quelques variantes narratives, en raison de l’espace confiné de l’action, propice aux tensions, aux conflits hiérarchiques et à la claustrophobie. Lorsqu’en plus on décide de concentrer l’action uniquement au coeur du navire immergé, il ne reste alors que peu d’histoires à raconter. Le film de Min Byeong-Cheon parvient toutefois à sortir des sentiers foulés par McTiernan dans The Hunt for Red October, par Wolfgang Petersen dans Das Boot ou encore Jonathan Mostow dans U-571.
Phantom the Submarine opte pour une approche frontale, bestiale et sans compromis du conflit hiérarchique. La scène d’introduction du film, surprenante, permet au spectateur de juger très rapidement du comportement instinctif du personnage de Suk-Lee. Derrière son visage paisible, emprunté à l’acteur Jeong Wu-Seong (Musa), se cache une détermination parfaitement effrayante. L’homme est pourtant exécuté moins de cinq minutes après le début du film. Lorsqu’il se réveille et monte à bord d’un Phantom au nom symbolique, il est permis de se demander si cette seconde vie de Chan Suk-Lee n’est pas en réalité le début de sa descente aux enfers : le film baigne dans la couleur rouge - que ce soit par le biais des éclairages ou par le sang -, le commandant mystérieux fait ressurgir le passé de Suk-Lee comme dans un récapitulatif de sa vie antérieure. A bord du Phantom, Suk-Lee n’existe que parce qu’il a osé tuer son supérieur sur le Janbogo : c’est-à-dire par la mort à laquelle il a lui-même été condamné.
Plutôt que de jouer le jeu d’une escalade personnelle progressive entre deux hommes dénués de toute forme de peur, Min Byeong-Cheon se lance tête baissée dans une véritable guerre : le commandant 202 déclenche son offensive réelle dans le premier tiers du film, créant une brêche dans laquelle la violence va s’installer de façon soudaine, presque trop rapide : comment faire tenir le suspense de Phantom the Submarine pendant près de deux heures dans ces conditions ? Min opte pour une guerre à deux niveaux : celle que 202 livre seul contre les japonais, et celle que Suk-Lee entame non seulement contre le commandant improvisé, mais aussi contre son autorité potentiellement dévastatrice.
La guerre navale est montrée de façon passionnante : techniques évasives, moments de silences, et cette séquence redoutable de "pêche" au sous-marin japonais, dans laquelle le Phantom entraîne un vaisseau ennemi au-delà de son seuil de résistance. Au cours de ces scènes "militaires", l’ennemi n’existe qu’au travers de cris retransmis par le sonar, d’une signature sur un écran ou de ses torpilles : le monde extérieur au Phantom, à quelques images près, n’éxiste pas. Au sein de cet enfermement, l’affrontement entre les soldats 202 et 431 est de toute autre nature. 202 livre une guerre directe mais par souffrance interposée, bien décidé à pousser 431 à bout. En dépit de l’unité de lieu restreinte, Min Byeong-Cheon exploite tous les recoins du Phantom pour offrir un véritable film d’action - d’une portée barbare rarement atteinte par le biais d’une si "petite" échelle - restreint à sa plus simple expression : un face-à-face meurtrier, suicidaire, faisant fi de tous les soldats qui entourent les deux hommes.
Magnifiquement réalisé, Phantom the Submarine est parcouru d’images violentes, de sang et de haîne. Ce dernier sentiment semble d’ailleurs être la seule force motrice d’un film résolument sombre ; une hargne terrassante qui n’épargne rien sur son passage, transformant le personnage de Chan Suk-Lee en ange exterminateur fascinant. Un adjectif qui définit parfaitement ce film éprouvant - sans doute le meilleur film de sous-marin qu’il m’ait été donné de voir à ce jour.
Phantom the Submarine est disponible en DVD et VCD HK chez Modern.
Le VCD est de bonne qualité même si les séquences aquatiques portent les stigmates d’une compression difficile...
Le film est aussi disponible en DVD zone 2 japonais, malheureusement sans sous-titres.



