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Thaïlande | Festival du film asiatique de Deauville 2003 | Rencontres

Pimpaka Towira

"Il s’agit en fait de montrer que, devant une situation d’oppression - devant toute situation difficile -, il y a toujours plusieurs solutions qui se présentent. Il s’agit toujours de faire un choix."

Coup dur : One Night Husband est programmé le jeudi 14 mars à 14h00 et dure 120 minutes ; notre interview avec sa réalisatrice, Pimpaka Towira, doit avoir lieu ce même jour - à 16h00 ! Manque de recul, me dites-vous ? Reste que Pimpaka Towira nous a accueilli avec enthousiasme, et une véritable volonté de partager les ambitions de son premier long-métrage. ATTENTION, SPOILERS !

Sancho : Nous sortons tout juste de la projection de votre film. Bien qu’il soit particulièrement difficile de l’aborder avec si peu de recul, plusieurs choses m’ont marqué d’emblée. La première, c’est cette ambiance très irréelle que vous mettez en place au début du film : on ne voit jamais vraiment le mari de l’héroïne, à tel point que l’on pourrait presque croire, à l’issue de cette séquence, qu’il s’agit d’un élément de son imagination...

Pimpaka Towira : J’ai voulu que la disparition de ce personnage soit le seul point de départ de l’histoire. Cette disparition, qui a lieu dans les premières minutes du film, plonge le personnage principal qu’est l’épouse, dans un univers complètement incompréhensible. C’est tout à fait délibérément que j’ai choisi de l’entraîner immédiatement dans ce monde irréel, qui est en fait l’univers étrange du second personnage féminin.

Avec cette introduction, le spectateur a l’impression d’entrer dans un cauchemar. Et pourtant le rythme du film change tout de suite après - et ce pour la plus grande partie du film - au profit d’une narration beaucoup plus lente. Vous privilégiez alors - principalement pour développer les deux personnages féminins - un jeu de cadrage qui rend les distances trompeuses : on ne sait jamais si les personnages sont proches ou éloignés les uns des autres. A certains moments même, ils ne se voient que par le biais de miroirs...

Au travers de ce style à la fois visuel et rythmique, je désirais essentiellement placer le spectateur en position d’observateur, lui donner l’impression d’observer ces personnages en cachette.

L’effet que je recherchais, était de faire en sorte que cet observateur se sente parfois très proche des protagonistes, mais qu’il soit en même temps incapable de statuer sur son rapport avec eux, ou même de définir le degré de relation existant entre eux.

A certains moments, on a l’impression que les deux femmes sont tellement proches l’une de l’autre, qu’éventuellement elles franchissent presque une certaine limite. Mais je voulais aussitôt remettre en cause cette impression chez l’observateur, pour l’amener "naturellement" jusqu’à l’atmosphère du dénouement.

Il y a effectivement un moment où cette "limite" est franchie - au cours d’une scène magnifique où, après un jeu de mises au point successives, les visages des deux femmes se superposent un court instant. On a alors l’impression que les deux personnages sont "échangés".
Tout penche ensuite vers le dénouement, où l’homme revient sur le devant de la scène de façon presque fantastique, grâce à l’insertion "physique" d’un flash-back. Pourquoi avoir choisi de jouer ce jeu de substitution et de fantastique ?

Dans ma conception, effectivement, les deux personnages féminins sont les deux facettes d’un seul et même personnage. C’est comme si on avait face à nous un être humain, confronté à la situation décrite dans le film, mais dont les réactions seraient différentes et éventuellement contradictoires.

Par exemple, au cours du dénouement du film, le personnage de Sipang brandit le pistolet pour tuer Busaba, et finalement elle prend la décision de ne pas le faire. Tandis que lorsque Busaba, elle, a eu cette arme dans les mains, elle a pris la décision de tirer sur le mari de Sipang.

Il s’agit en fait de montrer que, devant une situation d’oppression - devant toute situation difficile -, il y a toujours plusieurs solutions qui se présentent. Il s’agit toujours de faire un choix : c’est cela que je voulais montrer à travers le dénouement, et à travers ces deux personnages qui n’en font qu’un.

En regardant One Night Husband, j’ai beaucoup pensé à David Lynch, et surtout à ce que Lost Highway aurait pu être s’il avait été tourné d’un point de vue féminin...

En ce qui concerne David Lynch, l’influence a probablement été involontaire. C’est-à-dire que j’admire beaucoup la manière dont il est capable de mener un suspense, de façon complètement irréelle. C’est un aspect de ses films que j’admire beaucoup, et c’est probablement l’une des raisons pour laquelle on ressent son influence dans le film - bien que, encore une fois, ce ne soit pas volontaire.

Une autre influence possible, serait celle de Tarkovski : j’aime beaucoup sa façon irréelle, voire surréelle, d’aborder ses sujets. Pour ce qui est des autres influences je citerais notamment Krzysztof Kieslowski et Ozu. Je ne sais pas si ça se sent dans le film, mais il est fort possible que cela transparaisse, car ce sont des gens que j’admire.

Merci beaucoup pour toutes ces précisions, et merci pour votre film !

Interview réalisée à Deauville le 15 mars 2003 par l’équipe de SdA.

- Article paru le samedi 22 mars 2003

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