Ploy
Temps de la confusion, confusion des sentiments.
Pen Ek Ratanaruang a renoué avec l’inspiration après le décevant Vagues Invisibles. Ploy, comme ses films précédents, exige du spectateur qu’il ralentisse son métabolisme afin de mieux apprécier l’univers du réalisateur thaïlandais. Pen Ek Ratanaruang est un cinéaste de la stase, un moment où tout semble s’arrêter. Un arrêt avant bien sûr de repartir dans un sens ou dans un autre. Ses derniers films décrivaient des personnages suspendus entre deux états, entre la vie et la mort pour Tadanobu Asano dans Last Life in the universe, bien souvent entre deux mondes. C’est cette situation qu’il filme, donnant parfois l’impression que ses films font du surplace. Dans Ploy, il s’est penché sur le couple au moment où celui-ci risque de se désagréger.
Un couple thaïlandais, propriétaire d’un restaurant aux Etats-Unis revient au pays natal pour les obsèques d’un de ses proches. Il se repose quelques heures dans un hôtel de Bangkok avant de partir pour Phuket. La femme Dang, interprétée par Lalita Panyopas héroïne de 6ixtynin9, second film du réalisateur, reste dans la chambre pour se reposer. Son mari, Wit descend au bar acheter des cigarettes et y fait la connaissance d’une jeune femme au charme adolescent, Ploy. Elle est également en « stand by » et Wit lui propose de venir se reposer dans sa chambre. L’arrivée de cette nymphette va déclencher une crise de jalousie chez sa femme, dont la suspicion a été éveillée par un morceau de papier trouvé dans la poche de Wit sur lequel est marqué le nom d’une femme, Noy et un numéro de téléphone.
Après sept ans de mariage, huit d’après le mari, le couple est enferré dans son quotidien. Ce voyage l’a dévié de son orbite et il pourrait bien se briser. La fatigue du voyage a réveillé les tensions tapies au sein de leur vie de couple : la femme qui ne ressent plus l’attention des premiers temps de la relation... Ploy se passe pour l’essentiel dans un hôtel au confort fonctionnel tout droit sorti d’un catalogue Habitat. Les scènes ont été tournées en Thaïlande, mais de tels hôtels existent dans toutes les grandes villes de la planète. Ce type d’hôtel est un lieu entre deux mondes, peu importe finalement où il se trouve. Le couple se trouve dans une zone de transit géographique, reflet de leur situation émotionnelle.
Le film se déroule dans une atmosphère gazeuse. Wit et Dang nagent dans le brouillard du décalage horaire, alternant entre assoupissement et veille. De la même façon, le film navigue entre songe et réalité. Le barman et la femme de ménage pris dans le feu de l’action érotique sont-ils simplement les personnages d’un rêve de Ploy ? Difficile de toujours faire la différence. Le réalisateur livre au spectateur des pistes qui pourraient indiquer que tout a basculé. Au détour d’un plan, il se demande si la relation entre Ploy et Wit ne va pas basculer vers quelque chose de plus sexuel. Pen Ek Ratanaruang instille ainsi le doute dans l’esprit du spectateur, comme il s’était insinué dans celui de Dang.
Ploy est sorti en France le 16 avril 2008.



