Rébellion
Samouraï révolution.
Rébellion ouvre sur une vue du château du seigneur, dont la hauteur, la masse et l’aspect menaçant sont amplifiés par la contreplongée. Masaki Kobayashi fait immédiatement ressentir le poids d’une hiérarchie sociale implacable, symbolisée par cette forteresse. Les plans suivants descendent dans les détails de la résidence seigneuriale aux motifs géométriques, dont l’architecture japonaise est friande. Au même titre que la géométrie, le système féodal japonais obéit à des règles immuables. Dans cette entrée en matière oppressante, le réalisateur japonais apporte une fois de plus la preuve de sa maestria visuelle au service de son propos.
Au 17e siècle, Isaburo Sasahara, samouraï d’un clan va bientôt prendre sa retraite, abandonnant le rôle de chef de famille à son fils aîné. Excellent sabreur, il s’est marié avec une femme issue d’une famille socialement plus élevée que la sienne, qui n’a cessé de lui fait sentir son mépris à son égard. Le seigneur demande que son fils épouse une de ses femmes, avec laquelle il a eu un fils, et qui l’a agressé. Isaburo Sasahara s’y oppose, mais son fils se plie finalement au vœu du maître. Ce mariage arrangé va déboucher sur le bonheur du couple, jusqu’au décès du fils aîné du seigneur, qui exige le retour de son ancienne femme.
Le cinéaste faisait déjà appel à une mise en scène géométrique dans son chef d’œuvre Hara-kiri, réalisé 5 ans plus tôt, pour souligner le carcan enfermant la société japonaise. Le scénariste Shinobu Hashimoto, l’acteur Tatsuya Nakadai et le musicien Toru Takemitsu participaient déjà également à l’aventure. Rébellion bénéficie d’un nouveau venu d’importance, Toshiro Mifume, qui interprète, avec son charisme légendaire, Isaburo Sasahara. Il est également co-producteur car sans son poids dans l’industrie, le film n’aurait pas pu voir la salle obscure.
Dans les deux films, Masaki Kobayashi pourfend le système féodal japonais et ses traditions. Ils nient l’individualité : les hommes et femmes naissent dans une classe avec les devoirs associés, et ils ne peuvent en changer. Comme dans la critique du totalitarisme d’Arthur Koestler, la valeur de l’individu est égale à zéro. Le groupe, ici le clan, par opposition a une valeur infinie. Ses membres doivent s’y soumettre sans condition.
Les serviteurs du seigneur ne sont pas des personnes, mais des pions, qu’il bouge au gré de son humeur. Le cinéaste dénonce l’arbitraire de son pouvoir et son absence de sentiments.
Isaburo Sasahara qui s’est mal marié, est d’autant plus outré par le revirement du seigneur, que le couple a trouvé un bonheur inattendu. Après avoir été pendant des dizaines d’années, un fidèle serviteur du clan, Isaburo Sasahara va découvrir la bassesse de son maître grâce au témoignage de sa belle fille. Dame Ichi joue un rôle clé en étant la première à se dresser contre l’injustice et à va faire basculer son beau-père dans la révolte ouverte.
Les règles du pouvoir féodal vont finir par opposer les fils aux pères et les amis entre eux. Isaburo Sasahara va ainsi affronter son meilleur ami joué par Tatsuya Nakadai, qui est piégé dans sa condition, même s’il est parfaitement lucide sur celle-ci. Film sur le monde des samouraïs, Rébellion nous offre quelques rares combats ; splendidement mis en scène mais ne valorisant pas la geste martiale. Les guerriers du seigneur sont liquidés comme des cochons à la chaîne par Sasahara.
Sorti en 1967, Rébellion entre en résonance avec son époque : au Japon, comme partout dans le monde, la jeunesse se révolte contre une société aux règles jugées trop rigides.
Rébellion est disponible en DVD chez Wild Side.





