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[REC]3 Génesis

Espagne | 2012 | Un film de Paco Plaza | Avec Leticia Dolera, Diego Martín, Ismael Martínez, Àlex Monner, Claire Baschet, Sr. B

Clara et Koldo, un jeune couple fou amoureux, sont sur le point de se marier. Le jour J, tous leurs proches sont réunis pour célébrer avec eux leur bonheur. Les caméscopes tournent de tout côté afin d’immortaliser l’évènement. Mais la fête va vite être gâchée par l’un des convives.

Petit rappel des faits. En 2008, alors que le thème du « zombie » se refait une nouvelle jeunesse dans plusieurs œuvres culturelles, un duo de réalisateurs ibériques surprend tout le monde avec son huis-clos horrifique [REC]. Redorant du même coup le blason d’un sous-genre plus souvent associé à des Z au cadre vomitif, voire à l’arnaque marketing pure et simple, ce « found footage » espagnol lance alors la machinerie d’une saga à succès. Si on oubliera facilement le remake américain (Quarantine que Plaza dirigera lui-même, sans Balaguero), la séquelle sortie en 2009 suit les mêmes recettes du succès. L’inflation du budget aidant, les réalisateurs s’affranchiront même de certaines contraintes du found footage en multipliant les points de vue, et proposeront alors des débuts de piste scénaristique posant les bases d’une mythologie pour la saga.

Aujourd’hui, les deux comparses se lâchent la main et décident de réaliser, chacun de leur côté, les nouveaux épisodes. Dont ce [REC]3 Génesis donc, réalisé par Plaza, et vendu comme une préquelle détaillant les origines de la contamination. Devrait suivre vraisemblablement un [REC]4 Apocalypse par Balaguero qui lui, conclura la saga. L’occasion certainement pour chacun d’explorer des pistes de mise en scène plus personnelles et d’apposer une empreinte scénaristique propre sur une œuvre jusqu’alors commune.

Là où le premier jet de Plaza surprend est bien entendu dans sa volonté sans complexe de se démarquer complètement des deux précédents volets. Tant sur le fond que sur la forme. Et, malheureusement ou pas, c’est ce qui fait à la fois l’intérêt et la faiblesse de ce troisième volet.

A l’issue d’une séquence d’introduction aussi longue que jubilatoire (il faut avouer un certain plaisir à voir tourner en catastrophe infectieuse une si jolie cérémonie, gorgée de mièvrerie), et bien qu’il respecte jusqu’alors tous les codes du found footage classique, Plaza se défait très vite des contraintes techniques. Dans un final épique et haletant, et à l’aide d’une pirouette scénaristique complètement justifiée, on en finit bel et bien avec la caméra à l’épaule.

L’ambiance et l’intention sont donc tout de suite lancées. [REC]3 ne ressemblera en rien à ce qu’on a déjà vu. Le point de vue proposé est ici surprenant, puisque totalement extérieur aux protagonistes. La caméra n’est plus partie intégrante de l’action, et transporte donc le public dans une position qu’il connait bien, celle justement de spectateur. Plaza nous prend donc à contre-pied, et c’est plutôt plaisant de se sentir bousculé ainsi dans ses certitudes.

Pari osé néanmoins, tant la saga tire son essence même de cette façon de filmer et de raconter une histoire, portant l’image amateur et tremblante comme un véritable outil de narration. Beaucoup de ce qui marchait dans les précédents volets étant avant tout du à cette implication émotionnelle intrinsèque au genre. Le petit plus « réaliste », qui à l’heure d’une génération YouTube élevée à l’image du caméscope, peut faire finalement toute la différence lorsqu’il s’agit de capter son auditoire. C’est pourtant bien là l’intelligence de Plaza. Sentir qu’il doit emmener son film ailleurs s’il ne veut pas tourner en rond et devenir prisonnier de sa propre grammaire cinématographique. En reconstruisant ce fameux « quatrième mur » entre le public et le film, il ne fait qu’ouvrir son champ des possibles, revenant à une mise en scène plus classique certes, mais en libérant sa créativité d’une sorte de dogme frustratoire.

Mais l’espagnol ne s’arrête pas là dans l’envie de casser la filiation. Non content de briser la forme, il va aussi s’échiner à rompre avec le ton habituel de la série. Appartenant à une génération éduquée aux images déviantes d’un Bad Taste ou d’un Evil Dead, ce grand enfant de Paco Plaza a voulu certainement rendre hommage aux Jackson et Raimi de l’époque, tant une majorité de scènes et de dialogues baignent dans un burlesque et un comique de situation hérités d’un certain amour de l’horreur déridée. On se surprend donc à rigoler franchement de l’écriture de certains personnages (John Sponge pour n’en citer qu’un), chose inimaginable quelques minutes plus tôt en entrant dans la salle pour le visionnage d’un [REC]. Ce virage comique n’est pourtant pas au détriment de l’horreur graphique. Les maquillages sont plutôt bien réussis, et certaines mises à mort sont particulièrement réjouissantes, exécutées elles aussi dans un gore festif du samedi soir qu’un Raimi ne renierait certainement pas.

Le problème ne vient donc pas de la cohabitation du fantastique et de la comédie. Le couple est difficile à marier, mais Plaza y réussit plutôt bien. Sans atteindre non plus les sommets d’un Shaun of the Dead (n’est pas Simon Pegg ou Edgar Wright qui veut), on aurait tort de bouder son plaisir. Et il y a fort à parier que ce type d’alchimie puisse bien fonctionner dans les salles.

En fait, tout irait pour le mieux, si [REC]3 Génesis ne s’appelait finalement pas [REC]. Car du coup l’épisode fait assez tâche au milieu de la saga, tant la rupture de ton est tout de même brutale. Je n’ai pas le souvenir d’avoir rigolé durant les deux précédents volets, et je suis intimement persuadé que ce n’est pas les blagues potaches qui m’ont fait particulièrement apprécier le premier volet, et dans une moindre mesure, sa suite. Sans Balaguero, Paco Plaza semble s’en donner à cœur joie dans un cinéma de genre auquel il ne s’identifie probablement plus. Où l’identification et l’attachement du spectateur doit pouvoir se matérialiser au travers de la succession d’écœurements et de rires que lui procure le film. On est loin de l’atmosphère angoissante, de cette peur viscérale du noir et de l’expérience immersive terrifiante que pouvaient procurer les précédents volets.

En soi donc, [REC]3 Génesis est un bon moment. Un de ces films d’horreurs du samedi soir qu’on mate entre potes pour bien rigoler. Voir la toute frêle et fragile Leticia Dolera, dans sa robe de mariée, une tronçonneuse à la main, prête à trancher dans le gras de ses convives, cela parle aux sentiments. Si, scénaristiquement, Génesis suit le pas de son prédécesseur en confirmant sans ambiguïté certaines pistes ouvertes sur l’origine de l’infection, il n’en reste pas moins que le film est une rupture de ton beaucoup trop brutale. On ne s’attendait pas à ça, et on ne pouvait de toute façon pas s’y attendre. La surprise et les rires passés, il reste un sentiment étrange d’avoir passé un bon moment avec un film qui n’a finalement pas grand-chose d’un [REC]. Du moins, pas de l’idée que l’on s’en faisait. Fort à parier en tout cas, que [REC]4 Apocalypse, réalisé en solo par Balaguero cette fois-ci, sera certainement beaucoup plus sombre et désespéré.

[REC]3 Génesis sort sur nos écrans le mercredi 4 avril prochain.
Remerciements à Clément Rébillat et Le Public Système Cinéma.

- Article paru le mercredi 28 mars 2012

signé Spoof

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