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Japon

Red Room

aka Red Room : The Forbidden King Game - Akai misshitsu (heya) : Kindan no ôsama geemu | Japon | 1999 | Un film de Daisuke Yamanouchi | Avec Hiroshi Kitasenju, Shiina Nagamori, Mayumi Ookawa, Yuuki Tsukamoto

I’m going to be as bad as I have to be to win.

Quatre personnes se retrouvent enfermées dans une pièce, surveillées par micros et caméras, pour jouer au « jeu du roi ». Le principe ? Celui qui tire la carte du roi propose une épreuve à un ou deux autres joueurs, la personne qui refuse le défi étant éliminée. L’enjeu ? Dix millions de Yen pour le vainqueur. Isowa et Masako Togashi sont venus en couple, pour tenter d’éponger les dettes de monsieur. Lui est un homme timide, refoulé, qui se confond en excuse pour tenter de faire passer la pilule de sa faiblesse. Elle est insultante, dominatrice, et menace de décimer sa famille – leurs trois enfants compris – en cas de défaite. Qu’importe, les deux autres participantes – Hiromi, agressive, et la belle Kanako Yoshino , qui se refuse à justifier sa présence – sont bien décidées à gagner elles aussi. Le problème bien entendu, c’est que si les défis commencent en douceur – Hiromi et Kanako, forcées de s’embrasser avec la langue – la cruauté malsaine prend rapidement le dessus, dans l’espoir d’un premier abandon.

Deux femmes qui s’embrassent goulument, sans la moindre passion ni même affection, sous l’œil d’une caméra en extreme close up qui frôle la pornographie... puis le champs s’élargit, et il s’avère que les femmes sont jaugées – jugées même – par deux autres personnes, qui les observent de l’extérieur d’une cage. Le montage nous ramène alors en arrière, pour nous présenter, un par un et baignés de la lumière rouge de la pièce éponyme, les participants au jeu du roi, leurs motivations pour certains. Daisuke Yamanouchi, l’un des princes du cinéma extrême nippon contemporain, morcelle de façon habile le groupe en individualités, offrant l’illusion de confessions intimes. Puis sa caméra – l’une de celles qui filme le jeu – considère le groupe dans son ensemble, nous révèle la réalité de la dynamique qu’il est en train de construire. Tout au long de Red Room, Yamanouchi jouera de ce partage artificiel du groupe par le cadre, le scindant régulièrement en individualités ou même en couples - non pas pour créer des affinités, mais des oppositions supplémentaires. En regroupant régulièrement ses quatre protagonistes à l’image, le réalisateur rappelle combien ils sont les rouages indissociables d’une dégénérescence partagée, d’une humanité autodestructrice au nom de l’avarice.

I’m willing to be disgraced... but only for the money.

Cette phrase prononcée par la trouble Kanako (interprétée par l’actrice AV Yuuki Tsukamoto) scinde le groupe en deux états d’esprit opposés. D’un côté Kanako et Hiromi, masochistes en puissance, prêtes à subir toutes les humiliations – ingestion d’urine, sexe forcé, insertion de corps étrangers et j’en passe – pour remporter le gros lot. De l’autre côté, Isowa et Masoko, qui fonctionnent comme une seule entité sadomasochiste : Masoko pense pouvoir humilier son mari pour remporter la partie, et ne pas devoir payer de sa propre personne. C’est sans compter sur les jeunes femmes qui, décelant la fêlure du couple, vont donner au mari l’occasion d’exprimer sa frustration – à la force des poings et de sa masculinité – sans se douter qu’elles vont ainsi précipiter leur propre perte. Car à partir de cet instant, Isowa ne joue plus pour l’argent, mais pour prendre sa revanche sur le sexe opposé.

La force de Red Room, en dehors de son impact moral, tient à la réalisation parfaitement maîtrisée de Yamanouchi. Coincé dans un décor, unique et exigu, il y crée autant d’espaces que nécessaire à la force du cadrage. Si c’est ainsi qu’il dessine les forces, humaines et sociales, qui conduisent le film à sa sanglante conclusion, c’est aussi en jouant sur le champ qu’il fait pénétrer les ustensiles et autres possibles de violences dans l’esprit des personnages. Comme ces outils, qui donnent des idées atroces et « lumineuses » (vous comprendrez en regardant le film) à Isowa... et entraînent les joueurs dans une filiation de douleurs, eux-même scénaristes de leur perte. Bien entendu, Red Room est très loin d’être un film à mettre entre toutes les mains, immoral et hardcore à souhait. Il constitue toutefois un affront passionnant au bon goût, petit chef-d’œuvre de cinéma indépendant qui sait faire ce que tant craignent de faire aujourd’hui : aller jusqu’au bout – et même un peu plus loin – de son concept. Mais ça fait très mal, alors n’entrez dans la chambre rouge qu’en connaissance de cause.

Red Room est disponible en DVD US toutes zones chez les gentils malades d’Unearthed Films, sous-titré en anglais, avec pour seuls suppléments un minuscule galerie et les bandes annonces du catalogue (attention à celle, redoutable, de Mu Zan E du même réalisateur). L’image est aussi bonne que le permet son origine numérique plein cadre.

- Article paru le samedi 18 octobre 2008

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