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Japon

Red Tears

aka Sword of Blood – Monster Killer - 紅涙 | Japon | 2011 | Un film de Takanori Tsujimoto | Avec Nastuki Kato, Yuma Ishigaki, Yasuaki Kurata, Yamaguchi Karin

Comme c’est mignon : Red Tears s’ouvre sur le visage d’une jolie jeune femme, de blanche innocence vêtue, qui se retourne sur quelque réminiscence en pleine rue. Attendez, en fait non ; l’instant de grâce est éphémère, sitôt évincé par l’agression nocturne d’un quidam dont les os contraints déchirent la chair, broyé pour rentré dans une valise à roulettes, puis désincarcéré pour être décapité plein écran. That’s more like it  ; car nous savons bien que Takanori Tsujimoto, sans être dépourvu de subtilité dans sa gestion de moyens étriqués, n’est pas des plus délicats – cf le scénario pas super kawaï de son excellent Hard Revenge Milly.

Mais revenons pour l’instant à l’histoire. Le contorsionniste malgré lui était un dénommé Masaki, dont la petite amie Hazuki recherche la trace, peinant à convaincre l’inspecteur Tetsuo (Yuma Ishigaki) de l’implication de la dernière personne avec qui elle l’a vu : la belle Sayoko (Natsuki Kato). Pendant que Tetsuo, insupportable puceau, s’éprend de l’ingénue, qui vit dans une maison en bois avec sa mère, marâtre handicapée, son supérieur, Mishima (Kurata), a l’étrange idée de passer son temps à découvrir des cadavres sans têtes. Au point que Tetsuo se demande si ce « loup solitaire » aux méthodes brutales, qui semble ne répondre à personne, ne serait pas un assassin...

C’est de Yasuaki Kurata, action star sur ses vieux jours qui entrainait un temps Jet Li dans le Fist of Legend de Gordon Chan, et qui a a priori introduit les combats câblés sur l’archipel, qu’est venue l’envie de produire un film dans lequel il s’opposerait à une demoiselle, dans une ambiance pseudo-vampirique... et c’est pourquoi il a embauché Tsujimoto, féru de personnages féminins musclés, pour étoffer le concept et le porter à l’écran. Le résultat est un singulier rejeton du polar bagarreur orienté DTV et de la vague hard gore nippone, dans lequel le stock de membres et organes sanguinolents de Yoshihiro Nishimura (Tokyo Gore Police, Helldriver) est utilisé avec un sérieux inhabituel, pour un improbable conte de vengeance et d’amour, traversé de fulgurances ultra-violentes.

Ce n’est pourtant pas gagné pour Red Tears au cours de sa première heure. Les productions values sont ras les pâquerettes, le jeu de Yuma Ishigaki – surtout lorsqu’il est en séduction consciente de Sayoko – est proprement exaspérant... Il y a bien les séquences de combat impliquant Mishima, dans lequel Kurata montre ses beaux restes et Tsujimoto son habileté à impulser de l’énergie dans la mise en scène, sa caméra multipliant les points de vue au cœur de l’action, mais on peine tellement à dégager une cohérence d’ensemble qu’on se désintéresserait presque de l’édifice, si l’on n’y était venu pour le plaisir de retrouver Natsuki Kato (Stacy, Tokyo 10+01, Ekoeko Azarak).

Red Tears se ressaisit lorsqu’il se resserre sur l’enjeu vengeur de Mishima, en guerre depuis des années contre le monstre (au sens propre du terme) qui a tué sa famille. Passons sur le fait que le flic brutal (son exécution nonchalante de Hazuki laisse rêveur) est à la tête d’un commando dédié à la chasse aux créatures vampiriques, dont tout le monde sauf Tetsuo connaît l’existence (et je parle aussi bien des bestioles que du commando) ; l’intervention du groupe armé dans le domicile de Sayoko pour affronter sa mère marque un changement de ton hallucinant. Au cours de cette séquence, la frontière entre le bien et le mal est définitivement effacée, au point de faire naître chez le spectateur un véritable inconfort, face à la violence infligée à la créature assassine. L’exécution prend des allures de gang bang meurtrier sadique, façon Charles Bronson sous acide, et Tsujimoto emballe à merveille la séquence dans une promiscuité sanguinolente des plus impressionnantes. Le film s’emballe ensuite dans un affrontement filial quasi-muet qui fait enfin honneur à Natsuki, désengoncée de sa mièvrerie, pour se conclure dans un acharnement dont la résistance irréaliste n’est pas sans rappeler, le sourire en moins, celle, toute en volonté, de l’affrontement qui clôt le premier Dead or Alive de Takashi Miike. Ce qui n’est pas un maigre compliment.

Aussi, si l’on sent bien dans Red Tears un déséquilibre qui aurait pu lui être fatal – le film tel qu’imaginé par Kurata, confronté à celui, plus marginal, transfiguré (ou plutôt défiguré ?) par Tsujimoto -, celui-ci constitue au final le terreau surprenant d’une véritable identité cinématographique, attachante et originale à défaut d’être exemplaire. A mes yeux, Red Tears est exactement le genre de film qui jouit plus que de raison d’une certaine bâtardise, car elle lui permet de s’ancrer plus durablement dans la mémoire de ceux qui auront été touché par sa proposition pour le moins inhabituelle, que s’il avait été objectivement excellent. My kind of film !

Disponible en DVD au Japon sans sous-titre, Red Tears est aussi sorti en catimini aux US en DVD sous-titré anglais, accompagné d’un making of d’une bonne demi-heure, et tout ça pour une poignée de cacahuètes.

- Article paru le vendredi 4 octobre 2013

signé Akatomy

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