Revolver
Cache-cache tragicomique à travers le Japon...
Shimizu, un policier sans histoire, se voit contraint d’épouser la fille de son chef alors qu’il n’éprouve pas le moindre sentiment pour elle... Un salaryman d’une cinquantaine d’années, amoureux d’une de ses employées, pète littéralement les plombs lorsqu’il apprend son mariage... Deux paumés se lient d’amitié croyant qu’ils se portent chance mutuellement, et passent leur temps à parier et à dilapider leurs gains... Un lycéen est témoin d’un viol, avant de se faire passer à tabac par le criminel...
Le salaryman, esseulé au milieu d’un parc, a une idée saugrenue lorsque ses yeux se posent sur un policier assis sur une balançoire ; il assomme le pauvre homme et lui dérobe son arme... le policier malheureux n’est autre que Shimizu. Hospitalisé, il est pris à partie par ses supérieurs et par la police des polices. Il donne sa lettre de démission...
Le salaryman veut supprimer la jeune femme qui l’a abandonné... mais reprend finalement ses esprits et jette son arme dans une poubelle... Le jeune homme témoin du viol, qui a suivit les faits et gestes du salaryman, récupère l’arme. Il décide d’aller retrouver son agresseur à Hokkaidô afin de se venger. Shimizu qui tombe peu à peu dans une sorte de léthargie physique et mentale, se ressaisit lorsqu’il apprend qui possède son arme. Le policier décide alors de retrouver son arme... coûte que coûte !
Il est clair qu’on a déjà vu plus simple comme base d’intrigue ! Pour son trente-et-unième et dernier film, Toshiya Fujita, à qui l’on doit bon nombres de chef-d’œuvres tels Shinjuku Outlaw - Buttobase (Step on the Gas /1970), Akai Tori Nigeta ? (1973) ou encore les cultes Nora Neko Rokku - Bôsô Shudan ’71 (Beat ’71 /1971), Shurayukihime (Lady Snowblood /1973) et Shurayukihime - Urami Renga (Lady Snowblood : Love Song of Vengeance /1974), tous trois avec la belle Meiko Kaji, et plus "récemment" le "blockbuster" réalisé sous l’égide de la Kadokawa Slow na Boogie ni Shitekure (1981) dans lequel on retrouvait la jolie Atsuko Asano... Fujita donc, choisi un genre par forcément banal : le film fourre-tout, drôle, émouvant, dramatique et burlesque à la fois... ça vous fait penser à quelque chose ?... oui, à la vie !
...à la vie ?! Oui et re-oui !! Revolver c’est le bonheur pendant près de deux heures. Deux heures vaudevillesques qui nous font voyager à travers tout le Japon, de Kyûshû à Hokkaidô, de Kagoshima à Sapporo en passant par Tôkyô, et tout ça à un rythme effréné ! Fujita ballade littéralement le spectateur dans ce périple, dont la recherche de l’arme n’est qu’un prétexte à une étude de mœurs, une sorte d’hommage à Ozu speedé. Car ce qui intéresse ici le cinéaste n’est en aucun cas le pistolet en tant qu’objet, mais ce qu’il représente, à savoir le vecteur déclencheur de comportements, qu’ils soient positifs ou négatifs, mais surtout terriblement "humains". A travers les destins croisés de ses personnages, Fujita met le doigt sur la société nippone d’aujourd’hui... mais également sur la société humaine en général...
Le salaryman cinquantenaire surmené happé par le démon de midi, l’homme approchant la quarantaine qui ressent le besoin de se marier, la femme qui ne cherche qu’à être aimée, celle qui veut fonder un foyer, le jeune qui tente de s’affirmer, le paumé nostalgique d’un amour perdu... autant d’êtres touchants, si proches de nous par leurs préoccupations, leurs peurs, leurs désirs...
Pour son dernier film donc, Fujita s’est alloué les services de Kenji Sawada, parfait en flic tour à tour désabusé puis sur-motivé. Chanteur (il interprète d’ailleurs une version plutôt... "intéressante" de I Shot the Sheriff en guise de générique de fin) et, par la force des choses, comédien, il apparaît aux détours de quelques chefs-d’œuvre tels Taiyô wo Nusunda Otoko (The Man who Stole the Sun - Kazuhiko Hasegawa /1979), Mishima (Paul Schrader /1985) et les sublimes Yumeji et Pistol Opera (respectivement 1991 et 2001) de Seijun Suzuki, et excelle dans le génialement déjanté Katakurike no Koufuku (2001) de Takashi Miike.
A ses côtés dans le rôle du salaryman, le surprenant Katsuya Kobayashi vu en père de famille qui pète les plombs (décidément !) dans le génial (ndKuro : qui tient du génie hein, nous sommes d’accord !) Gyakufunsha Kazoku (Crazy Family /1984) de Sôgo Ishii. Mais s’il est bien un personnage attachant, pour ne pas dire émouvant, c’est celui du gentil paumé chanceux ou malchanceux c’est au choix, interprété par l’excellent Akira Emoto ; souvent relégué à des seconds rôles, il explose en tête d’affiche internationale (il a déjà interprété quelques rôles principaux avant) grâce à Shohei Imamura dans son Kanzo Sensei (1998). La filmographie d’Emoto, qui compte pas moins de soixante-douze longs-métrages entre 1979 et 2003, comporte son lot de bons et moins bons films, d’Hipokuratesutachi (Les Disciples d’Hippocrate - Kazuki Omori /1980) à KT (Junji Sakamoto /2002), en passant par Nidaime wa Christian (Kazuyuki Izutsu /1985), Shiko Funjatta (Sumô Club - Masayuki Suo /1992) ou Shall we Dance ? (Masayuki Suo /1996), sa carrière est aussi importante qu’éclectique...
Plongée rafraîchissante dans un univers si proche et dépaysant à la fois, Revolver est une sorte de voyage initiatique dont chacun pourra tirer les leçons qu’il veut. Un bien beau film sur la vie, tous ses petits tracas et moments plaisants, qui en font un concentré instantané de pur bonheur sans la moindre prétention... bref, une œuvre dont l’imperfection confère un charme indescriptible, mais bien réel.
DVD (pas vu) | Pioneer | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Son : Stéréo Dolby Surround | Suppléments : Teaser et trailer du film, ainsi qu’un livret de 4 pages...
Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.


