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Japon | Nippon Connection 2011

Rinco’s Restaurant

aka Shokudo katasumuri - 食堂かたつむり | Japon | 2010 | Un film de Mai Tominaga | Avec Kou Shibasaki, Kimiko Yo, Tomokazu Miura, Hikari Mitsushima

C’est en musique, avec un soupçon d’animation et beaucoup de légèreté que Mai Tominaga nous présente la trajectoire de Rinco (Kou Shibasaki), jeune femme sans père qui a quitté son village natal à l’âge de 15 ans pour fuir les cancans. Initiée à la cuisine par sa grand-mère, elle rêve d’ouvrir un restaurant, mais son projet s’évanouit lorsque son premier amour s’enfuit avec ses biens, ses économies… et sa voix. Rendue muette par le traumatisme, elle s’en retourne auprès de sa mère supposée volage (Kimiko Yo), qui semble lui préférer un cochon domestiqué, et décide d’ouvrir un restaurant atypique dans une grange à proximité de sa maison, dans lequel elle ne sert qu’une table par jour. La cuisine de Rinco, volontairement préparée avec la lenteur de l’escargot qui lui sert d’emblème, semble avoir un singulier pouvoir : celui d’exaucer les vœux de ses convives.

Alors que Rinco’s Restaurant démarre dans un décalage enjoué, faisant preuve d’une certaine exubérance dans son prologue chanté à base de découpages animés, le troisième film de la réalisatrice Mai Tominaga, adapté d’un roman d’Ito Ogawa, n’a rien d’une hystérie typiquement nippone. Au contraire même, puisque la fin du prologue, et de la chanson qui l’accompagne, marque l’extinction de voix de Rinco, et le début d’une communication silencieuse, tacite, à base de cuisine et d’écoute, qui berce un film d’une quiétude inattendue. Kou Shibasaki, magnifiquement réduite à un jeu d’attitudes et d’expressions, y incarne entre autres le vecteur, essentiel, d’une appréciation oubliée pas tant de la lenteur, que de la durée.

S’il y a bien un autre intermède musical vitaminé dans le film – nous permettant de découvrir l’histoire de la mère de Rinco, sublime Kimiko Yo -, Rinco’s Restaurant est donc avant tout un film qui prend son temps. Puisque son héroïne n’est pas bavarde, si l’on excepte quelques phrases griffonnées dans un calepin, le spectateur se pose en observateur attentif pour cerner le personnage. Puisqu’elle-même porte, au travers de sa cuisine, son attention sur les autres, leurs rêves, déceptions et tracas, s’y consacre complètement, on se met, comme elle, à l’écoute. Et s’il y a bien quelques rémanences du ton décalé, enlevé, des intermèdes musicaux tout au long du film – ces montagnes jumelles, en forme de seins, qui surplombent le village ; le « personnage » du cochon avec lequel Rinco parvient à communiquer par la pensée – l’émotion dans Rinco’ s Restaurant se dessine avant tout par petites touches, induite, presque subliminale dans l’insistance délicate de cette intimité silencieuse.

Rinco’s Restaurant est un film qui régale autant le spectateur que ses protagonistes. Les plats (réellement) préparés par Kou Shibasaki, superbes, sont consommés dans un silence religieux, sous le regard du spectateur qui, pour une fois, ne subit pas la consommation à l’écran comme un étalage pornographique. Au travers de son héroïne, de ses mets simples, de ses sourires lumineux, on apprend à percer la réalité des personnages, autant de convives, au-delà des mots, deviner ou s’inventer leur histoire. Entendre tout ce que la mère de Rinco, qui parle pourtant beaucoup, ne dit pas. Ressentir la saveur réconfortante d’un plat préparé avec une attention, une considération totales. Percevoir la poésie d’une fantaisiste envolée en cochon, métaphore à la fois belle et ironique sur le trépas, le sacrifice, l’héritage.

Alors que nous vivons soi-disant une ère de communication totale, interconnexion fantoche de simulacres socio-électroniques, Mai Tominaga nous rappelle qu’il existe une communication autre, qui se pratique dans l’attention et la présence, et non dans le bavardage ouvert, et qui s’incarne dans les sens, pour le bien-être de l’ensemble des partis impliqués. Elle redore aussi le blason de ceux qui savent prendre leur temps, antithèses de l’être moderne et multitâche, de l’Homme Pressé, appliquant la culture japonaise du geste à l’expression exclusivement culinaire de son héroïne. Et nous éclaire, sans jamais éblouir, de la bienveillance d’une Kou Shibasaki, pourtant amputée de sa voix, au meilleur de sa carrière.

Rinco’s Restaurant fut présenté au cours de la 11ème édition du Festival du film Japonais de Francfort Nippon Connection (2011).
Remerciements plus que tardifs à Dennis Vetter et Dimitri.

- Article paru le lundi 2 avril 2012

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