Ring
En ce début de siècle, la peur dans les salles obscures est sans doute l’une des émotions les plus difficiles à provoquer chez le spectateur, pour peu que l’on décide d’éviter le public UGC du dimanche soir et ses sursauts téléphoniques qui encombrent les sentiers ensanglantés de la sombre forêt des slashers ressuscités... En 1999, The Blair Witch Project réussissait cette prouesse en nous suggérant sur grand écran nos peurs d’enfants ; à la même époque, de l’autre côté du globe, les spectateurs nippons frissonnaient devant Ring et Ring 2 d’Hideo Nakata, terreur cinématographique après avoir été littéraire puis télévisée.
Ring est effectivement tiré d’une tetralogie de romans écrits par Suzuki Koji, initiée en 1991 avec Ring justement, puis poursuivie avec Rasen (1995), Loop (1998) et Birthday (1999). Par la suite, Ring a été adapté en téléfilm, film et série télévisée, et chacune de ses adaptations a remporté un franc succès au Japon, au point de relancer le genre en Asie. Dans un sens, son impact là-bas peut être comparé à celui de Scream aux Etats-Unis, le pop-corn au beurre de cacahuètes en moins. Car Ring a réellement ravivé la flamme du film d’horreur, et ce, à partir d’un concept tout simple, révélé dès les premières minutes : une K7 vidéo soi-disant maudite, circulant sous le manteau, tuerait tous ceux qui oseraient la visionner. Rien d’exceptionnel à première vue, et pourtant...
Imaginez un peu que l’un de vos amis vous passe une copie de cette K7, en insistant pour que vous la voyiez ; résisteriez-vous à la tentation de savoir ce qu’il y a dessus ? Bien sûr que non... Vous vous installez donc chez vous, tranquillement, vous insérez la cassette dans votre magnétoscope et vous l’enclenchez. Au début, de la neige, des parasites... Une première image en N&B apparaît. Un homme. Puis, une femme qui se coiffe devant un miroir. D’autres images, plus abstraites les unes que les autres, un peu comme un vieux film expérimental... Un dernier plan fixe sur un puits, dans une forêt, et la neige revient, après seulement trente secondes de vidéo qui vous ont semblé durer des heures tant vous étiez absorbés par ce qui passait à l’écran. Votre téléphone qui sonne vous aide d’ailleurs à quitter cet état de confusion. Vous répondez, mais bizarrement, il n’y a personne de l’autre côté ; cela vous est sans doute déjà arrivé lorsque vous téléphoniez sur un portable. N’oubliez pas alors de jeter un coup d’œil sur votre montre, car dans une semaine, à la même heure, vous mourrez dans des conditions inexpliquées. Et ceux qui auront le doux plaisir de retrouver votre cadavre n’oublieront sans doute jamais le masque mortuaire qui ornera votre visage, tant la peur sera exprimée sur chacun de vos traits.
Alors oui ça peut ressembler à un bon point de départ pour payer les prochaines traites des maisons respectives de Sarah Michelle Gellar ou Denise Richards, qui nous gratifieront peut-être de leurs magnifiques prestations dans le remake US, mais heureusement, Hideo Nakata et Kenji Kawaï veillent au grain. Le premier, par une réalisation sommaire mais diablement efficace pour nous foutre les boules, pardonnez-moi l’expression, et le second, pour nous enfermer dans un carcan bruitiste aux sonorités métalliques qui nous oppresse, jouant sur les contrastes entre le silence, les très légers bruits tordus, étirés, et les chocs sourds. L’alliance des deux suffit à faire naître une tension gênante et crescendo.
Bref, Ring est un film de terreur qui marche, et qui marche bien. L’impact dépendra bien évidemment de l’implication de chacun dans le film et de sa sensibilité, mais pour peu que vous soyez comme moi, vous n’en dormirez pas tranquilles pendant quelques jours, et votre quotidien sera désormais hanté par l’angoisse de croiser Sadako n’importe où, n’importe quand... Car c’est aussi pour ça que Ring fonctionne aussi bien après coup. Vous pouvez être frappé à tout moment, où que ce soit, accompagné ou non ; all you have to do is to watch the tape, and if you see the movie, you’ll see the tape. Have a nice death...
Ring est disponible en DVD zone 2 japonais (sans sous-titres), mais aussi en DVD et VCD taïwanais (toujours sans sous-titres). Enfin et surtout, il est disponible en zone 2 UK chez Tartan, dans une édition au format mais non anamorphique. La compression est tout à fait correcte : en dépit d’un certain grain, l’image demeure nette et précise. Les sous-titres anglais sont brulés sur la pellicule. En supplément ? Quelques trailers, et la vidéo de Sadako, évidemment !


