Running Out of Time
Running Out of Time n’est pas un chef d’œuvre. Ca n’est pas non plus un mauvais film. Disons que c’est un film sympathique d’un réalisateur un peu paresseux qui a pourtant su prouver qu’il était capable du meilleur (The Mission). Lové encore une fois dans le genre qui lui convient certainement le mieux, le polar, sa réalisation très conventionnelle bénéficie heureusement d’une histoire, certes peu originale, mais extrêmement bien fichue.
Un homme, rongé par le cancer, utilise ses derniers jours pour assouvir une vengeance, en organisant le vol d’un diamant et l’arrestation d’un gang mafieux. Il aura, face à lui, un négociateur accrocheur aux méthodes peu orthodoxes.
Pour mettre en images ce scénario, Johnnie To prend tout naturellement le parti pris de la vitesse. L’utilisation des mouvements de caméra accélérés (type Matrix ou encore Mission Impossible version John Woo), d’un montage ultra-rapide, d’un cadrage "au plus près", tout concourt à appuyer le postulat posé par le titre même du film : le héros n’a plus le temps, il doit faire vite et c’est certainement son point de vue sur l’histoire qui nous est montré. Il est le déclencheur de la plupart des actions, les sons de ses battements de cœur ponctuent d’ailleurs certaines scènes.
Par nécessité, donc, le style est efficace mais donne au final l’impression d’un produit formaté, du calibre de nombreuses productions hollywoodiennes. Certaines scènes, cependant, bénéficient d’un soin particulier. Comme ce moment où les deux héros, ayant réchappé à un accident de voiture, titubent et semblent entamer un pas de danse (la réalisation tournante renforce cette impression de ballet), une séquence qui donne au film cette saveur un peu fantaisiste propre au cinéma de Hong Kong. De la même manière, Johnnie To semble se réveiller lors de scènes romantiques muettes qui tranchent avec l’action (plans fixes, réalisation plus posée, discrète et infiniment plus attrayante) et se chargent d’une forte émotion.
Une émotion qui, malgré tout, fait cruellement défaut à la réalisation. Heureusement, elle est présente à travers la performance d’Andy Lau et la situation personnelle de son personnage. En sursis mais voué à une mort certaine, le héros y gagne une humanité, une consistance qui doit également beaucoup au jeu nuancé du comédien, à la fois franc et énigmatique. Grâce au scénario et cette situation de départ bien exploitée, creusée, c’est bien cet homme qui se révèle l’atout du film, son "objet" le plus intéressant. Aux yeux des spectateurs, il porte en lui une double image : ce qu’il est et ce qu’il fait au moment présent et ce qu’il sera inévitablement dans un temps très court. La mort fait constamment partie de lui, ce qui est rappelé tout au long du film par la vue de son sang (le seul sang que l’on voit dans le film). Il est rongé par une double maladie : le cancer et le désir de vengeance. Il choisit de ne pas lutter contre l’un pour assouvir l’autre. Et c’est dans sa fin que le film devient pervers, car cette vengeance va représenter pour lui un salut. Elle lui redonne la paix et il y gagne un ami, le négociateur, qu’il introduit dans son plan par nécessité d’abord, par jeu ensuite, et enfin par affinité.
Cette fin, troublante mais en même temps espérée par le spectateur, rattrape de belle manière un film un peu fade, relevé pourtant par moments d’une touche d’épices asiatiques et d’une très belle bande originale. A prendre comme un pur divertissement et, de ce point de vue là, plutôt réussi.
Running Out of Time est disponible en DVD HK Mei-Ah all-zone, letterboxed, en 5.1, avec le trailer pour seul supplément ; mais aussi en DVD Tai-Seng "Special Edition" - lui aussi all-zone, 16/9ème, avec un commentaire audio des scénaristes (Julien Carbon, ça vous dit quelque chose ?).

