Satorare : Tribute to a Sad Genius
Suizuoka, 1977. Un avion de ligne s’écrase en pleine chaîne de montagnes, ne laissant à priori aucun survivant. Alors que l’armée et les forces de secours s’affairent à explorer les décombres, une voix d’enfant, appelant ses parents au secours, se fait entendre. Chose étrange, l’enfant est inconscient : il s’agit d’un "satorare" - un "transparent". Un enfant souffrant de "Dissociative Belis Transmission Disorder", à savoir une maladie surprenante qui rend ses pensées audibles à quiconque se trouve dans un rayon d’une dizaine de mètres autour de lui.
Vingt-trois ans plus tard, Ministère de la Défense. Komatsu Yoko, psychiatre de l’armée spécialisée dans le Post Traumatic Stress Disorder, est assignée au Committee for the Preservation of the Specially Gifted (comité de préservation des humains présentant des talents "spéciaux"). Sa mission ? Suivre le "satorare" numéro 7, Satomi Kenichi, étudiant en chirurgie que le Gouvernement veut reconvertir dans la recherche en médicaments. Si les "satorare" sont aussi importants aux yeux du Gouvernement, c’est parce que tous présentent un QI très supérieur à la moyenne. Classés "ressources nationales", tout est mis en œuvre pour les protéger, et le point le plus important de cette protection est que les transparents ne doivent en aucun cas être au courant de leur spécificité.
Yoko est donc dépêchée dans un hôpital isolé, où Kenichi perturbe sans le savoir le quotidien de tous les habitants du village avec ses pensées intempestives. Commence alors pour Yoko et l’équipe assignée à la surveillance du jeune génie un travail de mensonge visant à une reconversion qui est loin d’être en ligne avec les souhaits de l’intéressé...
Après Odoru Daisosasen : The Movie (Bayside Shakedown - 1998) et Space Travelers (2000), Satorare : Tribute to a Sad Genius est la dernière incursion en date du talentueux Katsuyuki Motohiro au cinéma. Créateur de la série à l’origine de Bayside Shakedown et réalisateur de plusieurs séries télé (Okane ga nai ! - 1994, Help ! - 1995), Katsuyuki est, à sa façon, un petit génie de la mise en scène : amoureux du mouvement et de la caméra, il est capable de transformer un simple dialogue en véritable tour de force cinématographique, et de faire naître le suspense de n’importe quelle situation. Amoureux des gens et de leurs travers aussi bien que de leurs passions, il est finalement peu surprenant de le retrouver derrière ce Satorare humaniste et gentiment moralisateur ; conte moderne sur le manque de communication particulièrement caractéristique de la société japonaise contemporaine, aux allures de drame social teinté de science-fiction.
Si Satorare commence comme une comédie fantastique qui n’est pas sans rappeler un Truman Show (Peter Weir - 1998) croisé avec What Women Want (Ce que veulent les femmes, Nancy Meyers - 2001), c’est avant tout une histoire cruelle et pertinente : celle d’un jeune homme honnête, et qui plus est incapable, inconsciemment, de ne pas l’être. Alors que la majorité des films partageant des similitudes avec Satorare joue sur l’humour procuré par le décalage entre la pensée et l’action, le long-métrage de Katsuyuki Motohiro (adapté d’un manga) joue justement sur leur cohérence. Le personnage de Kenichi, parfaitement interprété par Masanobu Ando (Space Travelers, Battle Royale), oppose aux mensonges de son entourage son naturel maladroit et ses pensées limpides, leur offrant un reflet en négatif d’un comportement malheureusement généralisé. Entouré de personnages à la fois touchants (sa grand-mère, incroyable) et complexes (Yoko en premier lieu, mais aussi son patron et le chef de l’hôpital), Kenichi est le pilier de ce conte résolument triste mais pas pessimiste, magistralement réalisé par Katsuyuki.
Alors bien sûr, les détracteurs de son style très marqué, souvent au service de sentiments aussi simples qu’explicites, trouveront sûrement dans cet émouvant Tribute to a Sad Genius de quoi alimenter leurs arguments. Mais, comme c’était le cas pour les films précédents du réalisateur, ce serait passer à côté d’une sincérité parfois maladroite (la fin notamment pouvant paraître longue et un tantinet redondante) mais diablement efficace, mélodramatique sans être pour autant larmoyante. Car, aussi explicite soit-il, Satorare touche juste tout en mettant en scène une réalité alternative dépaysante et, à sa façon, merveilleuse. Rajoutez à tout cela le plaisir visuel procuré par le cadre magnifique d’une campagne japonaise, et vous comprendrez aisément que Satorare remplisse très largement son pari au long de ses 130 minutes. Un film à la fois minimaliste (dans le fond) et spectaculaire (pour l’exagération de ses formes visuelles), aussi appréciable que ses illustres prédécesseurs.
Satorare est disponible en DVD japoanis zone 2 (et donc NTSC) chez VAP Vidéo. Copie 19:9 Letterbox resplendissante, bande son 5.1 remarquable (notamment au niveau de l’utilisation de la spatialisation des dialogues et des pensées) ; le tout sous-titré dans un anglais parfait.
Pas mal de suppléments (scènes coupées, making of, trailers), malheureusement non sous-titrés.



