Saving my Hubby
La caméra balaye l’intérieur d’un petit appartement récent d’une grande ville sud-coréenne. Il fait encore nuit lorsque le silence est brutalement rompu par les cris alarmants d’un bébé à la voix déjà fort bien formée (indubitablement !) et au bord, très probablement, d’une mort certaine. Bref, il a faim !
Le premier mouvement est en provenance du bas côté du lit où gît le père, Joon-tae éjecté dans son sommeil. Il lui faut réveiller sa femme, Geum-soon, car pour cette mission il ne sera d’aucun secours, Song-yi, dodue petite fille, étant encore nourrie au sein. Les cris cessent. Geum-soon à contrecœur a fait l’effort de s’asseoir pour s’occuper de sa fille... Mais son éveil sera de courte durée et elle percute le front de la petiote en s’endormant pendant la tétée ! Coup de boules !
Les cris de l’enfant repartent de plus belle ! La nuit sera brève... Et le réveil en sursaut, pour Joon-tae qui doit se rendre à sa première journée de travail ce matin là ! Horreur, sa chemise blanche n’est pas repassée !! Geum-soon lui en propose toute une série en couleur qui n’attendent plus que ses frêles épaules pour prendre quelqu’envergure... Mais décidément : NON !! Hors de question de se présenter un premier jour avec une chemise de couleur ! Papa en perd tout self-control et se lance dans l’expression gestuelle d’un caprice d’enfant gâté. Geum-soon se met donc à repasser, tandis que Joon-tae fonce se raser (oups, il avait oublié dites donc !). Song-yi se remet à pleurer, sa mère se précipite voir ce qu’elle est en train d’avaler... Le dos de la chemise portera donc une trace indélébile de ce sauvetage ! Les adultes se séparent fâchés... Et leurs retrouvailles du soir sont destinées à être légèrement reportées !
Le patron de Joon-tae ne semble pas en effet décidé à relâcher sa nouvelle recrue sans lui avoir au préalable fait subir son test d’initiation : un boc de bière + un verre d’alcool quasi pure + le même en sous-marin et le tout en moins de 6 secondes ! Le pauvre se déchire lamentablement sur ce test qui concluait déjà quelques litres d’absorption conviviale alcoolisée ! Ivre mort, la nouvelle victime de l’alcoolisme social coréen se précipite dans la rue de ce quartier de débauche pour attraper un taxi et s’en retourner chez lui. Mais il s’endort sur le trottoir et se fait ramasser par un rabatteur d’une boîte voisine au trafic bien organisé. Son enseigne en est déjà annonciatrice : Vivre sa vie (en français dans le texte ! - C’est normal, la débauche est étymologiquement française - Cocorico... et profitez-en pour lire la critique de Talking Cock). Un client saoul est un client à priori momentanément amnésique. Il ne reste plus qu’à attendre son réveil pour lui faire payer une addition éveresque ! Mais il n’a pas de carte bancaire sur lui... et c’est donc Geum-soon qui est appelée pour récupérer son éponge de mari et le ramener chez eux avant 5 heures du matin, heure d’arrivée des parents de la dite masse spongieuse !
Voilà, vous connaissez désormais les 10 premières minutes du film, en détail, j’en conviens, mais je vous ai laissé quelques surprises émouvantes et hilarantes tout de même... Le chrono est lancé, et Madame, chargée de son bébé sur le dos, va nous entraîner dans une folle course contre la montre pour retrouver son mari dans ce quartier d’affrontements de triades, où son passé de sportive de haut niveau va bien lui servir...
Pour commencer et être parfaitement claire, je me dois de préciser que ce petit film n’a certainement pas d’autre ambition que de distraire, faire sourire, amuser en un mot ! Alors pas de grosses interprétations métaphysiques à l’horizon et que tous ceux qui prennent les choses trop au sérieux ou n’osent rire aux éclats (souvent à cause de leur mauvaise haleine, de leurs dents tâchées - vous avez remarqué aussi ?!) se reportent immédiatement sur un média plus autocratique ! Pour les amoureux du bidonnage gratuit... Et ben à vous aussi je me dois de vous avertir que les sujets abordés légèrement dans ces 107 minutes peuvent toutefois vous forcer à réfléchir un peu... Désolée ! Car si la folle course poursuite de notre héroïne (Bae Du-Na, qui n’a du reste pas à son actif que des rôles comiques : cf Sympathy for Mr. Vengeance) peut parfois prendre des airs de "à la manière de Benny Hill", les personnages croisés sont souvent sombres et les situations étouffantes ! L’agilité du réalisateur, Hyun Nam-sub (dont c’est la première réa alors qu’il est déjà l’auteur de nombre de scénarios - 2009 Lost Memories, Tempting Man, Roses of Sharon Have Blossomed, 101 Poposes..., me dit-on) réside en effet à mon sens dans l’utilisation qu’il fait, de la notion de l’ambiguïté qui règne souvent entre le rêve éveillé et la vie rêvée.
Lors du démarrage du film, la nuit banale d’un jeune couple de parents nous apparaît en fait comme un véritable cauchemar ! Il est impossible de dormir avec ce jeune bébé qui braille tout le temps, et la responsabilité de s’occuper de ce petit être si dépendant ne semble pas du tout la priorité de sa maman ! Je trouve cela parfaitement terrible, et pourtant le comique de situation joue à plein et je rigole avec toute la salle de cette mère indigne, de cette épouse bordélique qui refuse de grandir, de se responsabiliser. Elle pigne tout le temps et à la moindre occasion se précipite chez sa mère pour se délester de ses obligations.
Et ben oui, Mademoiselle était promise au plus bel avenir en tant que joueuse de volley, mais une mauvaise chute lui a valu une hospitalisation un peu trop prolongée. Mais ce n’est pas une raison pour se foutre de tout, non ?! D’autant que c’est à cette même époque que, déprimée, elle succombe au charme d’un fervent admirateur et qu’ils conçoivent dans la foulée la petite Song-yi... Qui devient alors l’élément permanent, à son sens, de son éloignement de la compétition.
Alors bon, on comprend mieux maintenant que cet enfant soit perçu comme un boulet pour la jeune fille, non ?! Pas franchement préparée au mariage ni à la maternité, la jeune femme semble n’avoir jamais fait aucun effort pour accepter cette nouvelle vie déjà commencée. Son rêve perdu l’éloigne alors d’une réalité pourtant supportable : être aimée et protéger.
Il va falloir un événement tragique, le "kidnapping" de son mari à la veille de l’arrivée de ses beaux parents, pour qu’elle prenne sur elle de le retrouver, marquant ainsi véritablement son désir d’assumer sa nouvelle cellule familiale.
Décidément, rien de telle qu’une crise sérieuse pour se rendre réellement compte de ce qui est important dans la vie ! Tout le passage de l’histoire consacrée à sa quête initiatique aurait pu être d’un ennui mortel sans compter sur le doux génie de notre réalisateur, qui va enchaîner inlassablement les périodes qui vous rappelleront ces moments au petit matin, 3 ou 4 minutes avant que le réveil ne sonne, où l’on a cette certitude que l’on peut diriger son rêve, s’en sortir... Mais hop, au dernier moment, le sommeil reprend de la vigueur et notre "pouvoir" nous échappe. Pour l’héroïne c’est pareil : comme emportée par la tourmente, les obstacles reviennent ! Il faut qu’elle en chie plus encore, qu’elle s’essouffle, qu’elle lutte pour prendre conscience, reprendre confiance en elle, en la beauté de la vie, en la grandeur des sentiments qui la lient à sa fille ! C’est donc là qu’interviennent donc en réalité les vraies phases de cauchemar, la vraie trouille ! Elle se réveille enfin et c’est pas du tout cuit !
Mais heureusement, sa dextérité au lancer et aux smashes qui la caractérisait tant au temps de sa splendeur va lui être d’un grand secours... Pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques !!
Saving my Hubby est disponible en DVD coréen chez Enter One.




