Scared
Les plus chanceux meurent en premier...
Prenons pour point de départ celui que tous les films d’horreur adolescents partagent avec n’importe quel Euro Trip : un groupe de lycéens bien niais, filles tendances œillades et attitudes sur-kawaï, garçons façon racailles lights, se retrouvent en partance pour un voyage scolaire au cœur d’une forêt éloignée. Les attirances se disputent le premier plan avec les disputes, personnelles et estudiantines, pour définir les différents groupes de protagonites, alors que les deux bus nécessaires au déplacement se font la course, les conducteurs encouragés par les étudiants survoltés. Seulement voilà : de vils nuages, ceux-là même qui n’existent que dans des aquariums remplis de latex liquide (special effects 101), annoncent la couleur du voyage aux spectateurs, toujours plus malins que les protagonistes. Les autorités locales mettent un terme à la classe verte - et donc à la possibilité d’avoir un slasher old school façon sex can kill - en rasion des intempéries. Un bus fait demi-tour, l’autre accepte la compagnie d’un guide local, au fait d’un chemin de traverse. Sauf qu’il implique de faire passer le véhicule de plusieurs dizaines de tonnes sur un pont en balsat ou presque... Plouf ! Le bus brise l’équilibre de l’édifice, quelques élèves décèdent dans l’accident, empalés au petit bonheur à la chance sans rivaliser avec la ponction faciale vécue par le conducteur (dommage qu’elle soit quasi-subliminale). Bien qu’ils se trouvent tous après la chute, dans un rayon aquatique fort restreint, les étudiants se séparent. C’est alors que le massacre commence, d’abord par le biais d’accidents inopportuns, puis aux mains de mystérieuses silhouettes encapuchées, une fois les survivants regroupés dans un village abandonné...
C’est notamment à Prachya Pinkaew, le réalisateur d’Ong Bak et Tom yum goong, récemment producteur du film de super héros thaï Mercury Man, que l’on doit la production de Scared, vrai-faux slasher réalisé par Pakpoom Wongjinda, l’auteur de... Body Jumper. Si les premières minutes du film rappellent combien Wongjinda est amateur de parodie - avec son faux fantôme traditionnel, vecteur conscient de sursaut gratuit -, l’humour est cependant absent du reste du métrage : Scared se veut un film méchant, façon Battle Royale. Véritable catalogue de meurtres, il s’annonce même à première vue sinon intéressant, du moins divertissant, avec ses accidents naturels aussi peu crédibles qu’amusants...
Mais en réalité, Scared est un film bâtard, qui choisit de donner l’impression de ne s’intéresser qu’au « comment », et jamais au « pourquoi ». Pourtant le comment - les accidents sont rapidement détrônés par des aggressions humaines - entraîne forcément l’interrogation du pourquoi : pourquoi ces jeunes font-ils l’objet d’une élimination aussi violente ? Pourquoi la ville et ses environs semblent-ils avoir été conçus comme un vaste piège à leur intention ? Soit, puisque Wongjinda souhaite que l’on laisse cette interrogation de côté, faisons et profitons des mises à mort, seul plaisir de ce film brutal. Car il ne fait aucun doute effectivement, que Scared est, à sa façon, un film brutal. Mais la brutalité mise en scène par Wongjinda est une brutalité de fait et non d’image : plutôt que céder à la mode de la violence quasi-pornographique qui envahit les écrans du monde entier, notamment par le biais du « survival revival », le réalisateur évite (à l’exception d’un bel effet numérique de couche alpha crânienne) d’étaler le gore à l’écran, laissant blessures et plaies, points d’impact et de pression, soigneusement hors-champs. C’est un peu dommage même si partiellement satisfaisant, car la réalisation est régulièrement habile, nous laissant le temps d’apprécier la qualité vicieuse de l’étau qui se referme tous les deux minutes sur un étudiant. Mais tout le monde ne s’appelle pas Alexandre Aja.
Scared est au final un film qui se soucie plus - et ce ouvertement - de juxtaposition que de transition. Quelque part, on peut lui être reconnaissant d’avoir fait justice, contrairement à Art of the Devil 2 et consorts, à sa campagne marketing (vive les ustensiles de jardinage, surtout maniés par des étudiantes thaïes !). Mais l’ensemble, à force de se distancier de son dénouement, finit par désintéresser. Lorsque le final arrive, ceux qui comme moi auront vu une copie non sous-titrée craindront d’être passés à côté de l’essentiel. Qu’ils se rassurent, le twist intervient, comme il se doit, dans les dernières secondes, justifiant (un peu) la structure laxiste du film, certains de ses plans, et les articulations arbitraires de son jeu de massacre. Un final cohérent donc, mais qui ne joue pas vraiment en la faveur d’un Scared mi-figue mi-raisin, qui n’effraye que ses jeunes protagonistes... quand il leur en laisse seulement le temps !
Scared est disponible en DVD thaï Zone All, sans sous-titres, dans une copie anamorphique et 5.1. La bande-son est efficacement mixée, et le pressage globalement correct, si l’on excepte les désagréables fourmillements de végétation.




