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Corée du Sud

Secret Tears

aka The Secret | Corée du Sud | 2000 | Un film de Park Gi-Hyeong | Avec Kim Seung-Wu, Yun Mi-Jo, Jeong Hyeon-Wu

Après l’essoufflement prévisible d’une nouvelle vague de slashers auto-référentiels démarrée par le succès de Scream, le cinéma fantastique connaît un nouveau souffle heureux avec le retour d’une de ses facettes les plus subtiles : le surnaturel - et ce dans tous les pays du monde, sûrement grâce au succès international du Sixième sens. Les Coréens, bien sûr n’échappent pas à ce renouveau, et leur travail au sein de ce sous-genre leur a permis de nous offrir le merveilleux Memento Mori. Mélange incroyable de mélodrame et de film d’horreur, on pensait tous qu’une telle réussite n’était possible qu’une seule fois. Secret Tears arrive au bon moment pour nous démontrer le contraire...

La fin d’une longue nuit pluvieuse. Alors que Gu-Ho, agent d’assurance de son métier, semble las de sa soirée karaoke trop arrosée en compagnie de deux compagnons de travail, Hyeon-Nam et Do-Gyeong, une jeune fille, Mi-Jo, marche d’un pas décidé le long d’une route déserte. Sur le chemin du retour, c’est Gu-Ho qui prend le volant de la voiture de Hyeon-Nam, trop éméché pour conduire. Un moment d’inattention sous la pluie suffit pour que la catastrophe arrive : la voiture percute Mi-Jo de plein fouet. Le temps s’arrête pendant que le trio sort de la voiture ; Mi-Jo est suspendue dans le ciel, comme portée par la pluie, avant de retomber sur le bitume, inerte.
Quand la jeune fille se réveille, Gu-Ho constate avec incompréhension que celle-ci ne possède pas la moindre égratignure, pas même un hématome. Seule conséquence de l’accident : Mi-Jo a complètement perdu la mémoire, et paraît même incapable de prononcer le moindre mot. Rapidement, Gu-Ho commence à ressentir quelque chose d’indéfinissable pour l’adolescente. Au moment où il décide d’assumer la nature amoureuse de ses sentiments, un lien télépathique très fort s’établit entre les deux personnages. Lorsque Mi-Jo lui avoue à son tour l’amour qu’elle lui porte, elle se découvre un nouveau pouvoir, un peu particulier : elle parvient à maîtriser les liquides autour d’elle. Mais Mi-Jo cache un secret très lourd qu’elle-même a oublié, et, face à la perte de repères de leur camarade, Hyeon-Dam et Do-Gyeong sont bien décidés à faire la lumière sur cette affaire au naturel dérangeant...

Il ne faut pas plus de cinq minutes pour savoir que l’on a à faire, avec Secret Tears, à un film exceptionnel - aussi bien dans le sens où il s’agit véritablement d’une œuvre hors du commun que d’un film de très (mais alors très) grande qualité. Le montage de la séquence d’introduction résume parfaitement toute la magie de la réalisation de Park Gi-Hyeong : l’alternance entre les scènes se déroulant dans le karaoke où, en quelques "coups de crayon", Park parvient à dessiner le personnage de Gu-Ho, et celles de Mi-Jo marchant sous la pluie se fait de plus en plus rapide jusqu’à aboutir à l’accident, moment où le temps se fige réellement, mais de façon particulière. En utilisant un procédé cher au réalisateur de Nowhere To Hide, à savoir recourrir à une succession d’images fixes pour montrer une scène extrêmement brutale et rapide, Park rend incroyablement poétique une scène qui aurait dû être effrayante. L’image de Mi-Jo, suspendue à plus de cinq mètres au-dessus de la route, retombant doucement, comme si elle était freinée par les gouttes de pluie, est sans doute l’une des plus belles que le cinéma nous ait offerte depuis l’ascension incongrue de Maria de Medeiros dans le Airbag de Juanma Bajo Ulloa.

Le réalisateur recourra souvent au long du film à ce procédé de mise en scène pour mettre en perspective les moments cruciaux de l’histoire, toujours très visuels. Pour parvenir à ses fins, il est avant tout aidé par le physique envoûtant de son héroïne, Yun Mi-Jo, jeune fille au visage si particulier, avec ses yeux anormalement grands, et ses pupilles d’un noir absolu elles aussi démesurées. Sans doute n’est-ce pas un hasard si Gu-Ho présente une dissymétrie faciale qui trouve écho dans le regard de Mi-Jo : étant donné que leur communication se fait par le biais de mots non-prononcés, le travail sur leurs attitudes contribue à donner une intensité remarquable à leur relation incontrôlable.

Autre atout majeur du film : sa musique. Grâce à la partition éthérée qui porte chaque image de cette histoire d’amour sombre et désespérée, Secret Tears devient par moments véritablement terrifiant. Une terreur sourde, liée à l’intensité du regard de Mi-Jo, qui rend superflu tout effort démonstratif que le réalisateur se serait senti obligé d’apporter à sa narration.
Même si, à la fin du film, de nombreux points d’ombre demeurent, la magie fonctionne de la première à la dernière seconde, et même au-delà : car le visage de Mi-Jo s’installe de façon quasi-obsessionnelle dans l’inconscient du spectateur, pour garantir à Secret Tears une place définitive dans notre mémoire, troublée par tant d’émotions capturées sur pellicule, et restituées avec autant de force sur un écran de cinéma.

Spectrum persiste et signe en livrant une fois de plus une édition DVD irréprochable : copie 16:9 anamorphique, 5.1 sans faute, suppléments à la pelle (on est bien heureux de retrouver le BO séparée, piste par piste, pour prolonger la magie)... Seul bémol : les sous-titres anglais, plus qu’hésitants... Mais on ne va pas trop chipoter, non plus !

- Article paru le dimanche 21 octobre 2001

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