Sentenced to hang
Pour changer, je vais commencer cet article par un mea culpa : si je me suis procuré Sentenced to Hang, c’est uniquement en regardant la jaquette de son édition en VCD, et en souhaitant me faire un bon petit CAT-3. Je ne me suis renseigné sur rien : ni sur son sujet, ni sur ses acteurs, encore moins sur son intérêt potentiel. C’est comme ça, aussi, que l’on se créé soi-même de véritables surprises ! Allez, j’essaye de vous la reconstituer, telle que je l’ai vécue, sans tricher...
Incapables de s’intégrer dans la société, Wai (Tony leung ; à la fois balayeur et pseudo-majordome), Charn (Kent Cheng ; surnommé "Moustache" à cause de sa - bon d’accord ; maquilleur au rabais) et Kong (Elvis Tsui ; instructeur dans une auto-école) décident de se venger d’un homme mieux placé qu’eux, qui les a toujours traité avec condescendance - juste histoire de se passer les nerfs. Le renvoi de Wai sera donc l’occasion de passer à l’acte ; et Kau, l’ex-patron de Wai, de devenir la victime d’un kidnapping qui évoluera rapidement en meurtre. Plutôt que de se retirer, les trois hommes enlèveront ensuite le père de Kau, s’enfonçant peu à peu dans une voie sans retour...
Sentenced to Hang est bien loin d’un Ebola Syndrome, de Run and Kill et autres Red to Kill. Plus proche du chef d’oeuvre de Herman Yau, The Untold Story, les éléments d’ "exploitation" (et Anthony Wong) en moins, c’est en réalité le premier film de l’histoire du ciné HK à avoir reçu le rating "category-3" (équivalent au "NC-17" américain) - et oui, nous vous offrons même des articles historiques sans le savoir ! Loin du "ghetto" des films à contenu pornographique et/ou ultra-violent (et si possible complètement gratuit), Sentenced to Hang rentre dans la catégorie, moins représentée au sein de l’ex-colonie, des films réservés à un public "mature", qui plus est au contenu politique. Enfin, "politique", j’me comprends : l’histoire de Wai, Charn et King est celle, bien réelle, des trois derniers condamnés à morts à Hong-Kong (on pourrait appeler ça un spoiler, mais bon, au vu du titre du film et du visuel de la jaquette, hein...).
Sentenced to Hang ne vous offrira donc pas votre lot d’outrages irracontables et de tabous réduits à néants, banane dans l’anus à l’appui (ceux qui ont vu Ebola Syndrome savent de quoi je parle...). Au contraire, le film de Taylor Wong possède une structure intelligente, basée sur un concept d’évolution/crime/rétribution proche d’un Long Arm of the Law - lui aussi très "documentaire" dans son approche de la criminalité due aux immigrés "continentaux". Et pour cause ! Le scénariste de Sentenced to Hang n’est autre que Johnny Mak, réalisateur du film sus-cité qui pourrait nous servir, d’une certaine façon, de mètre-étalon.
Car finalement, on retrouve la même structure, la même figure sous-jacente, dans ces deux histoires d’hommes à la dérive. La présentation des personnages et de leurs motivations se fait de la même façon ; du caractère fanfaron de King, à celui, moins affirmé mais tout aussi m’as-tu-vu de Wai, en passant par Charn, socialement "contraint" au crime (c’est du moins ainsi qu’il se justifie) : le groupe protagoniste de Sentenced to Hang est exactement celui mené par Tung dans le premier Long Arm of the Law. Même constat ambigü d’une criminalité amenée par un contexte social défavorable, même combat pour la fraternité. Ainsi nos trois protagonistes espèrent-ils, enfants, mourir tous le même jour, en dépit de leurs dates de naissances différentes.
Plus que tout autre chose, comme dans le polar de Johnny Mak, l’histoire de cette fable noire contée par Taylor Wong est celle d’une fraternité sans limites, d’un sens de l’honneur anachronique et remarquable - même dans un tel contexte. L’échec du kidnapping organisé par King et ses compères débouchera donc sur une série d’évênements qui les mènera, inévitablement, à la condamnation, au cours desquels les trois hommes resteront avant tout unis.
Si le crime de King, Wai et Charn aboutit certes sur une condamnation, c’est cependant uniquement d’un point de vue légal. Car, au cours de sa dernière demi-heure, Sentenced to Hang déplace les effets du verdict sur l’entourage des protagonistes. Dans ce scénario, Johnny Mak pousse plus loin l’étude de la loyauté - qu’il a longuement abordé au long de sa (courte) carrière - en explicitant le rapport des familles au crime : le point de vue d’une mère qui décide de porter la responsabilité du crime de son fils, ou celui d’une femme qui ne juge même pas l’acte de son mari mais lui promet de l’épouser à nouveau dans leur prochaine vie.
"Aveuglement" pourrait don être le mot-clé de ce Sentenced to Hang surprenant, naviguant entre polar et drame social ultra-réaliste : du manque de perception qui entraîne le crime à celui, conscient, qui assure l’amour au-delà du meurtre, les êtres humains mis en scène par Taylor Wong sont tour à tour involontairement puis intentionnellement aveugles. L’histoire y gagne beaucoup en consistance et en pertinence, puisque les héros du film ne sont jugés que du point de vue légal, leur humanité leur garantissant une espèce d’immunité de la part du spectateur. Et c’est aussi pour ça que Sentenced to Hang constitue une épreuve particulièrement coriace, riche mais éprouvante sur la durée. Les origines du CAT-3, la noblesse en plus... Je n’ai peut-être pas trouvé ce que je cherchais, mais je crois bien que j’en suis ressorti gagnant !
DVD HK édité par Universe (pas vu), a priori Letterboxed et mono.
Le VCD édité par Media Asia est en plein cadre et comporte des sous-titres mandarins et anglais brûlés sur la pellicule. L’image est correcte mais, comme à l’habitude, très terne. Du fait du 4/3, les sous-titres sont par ailleurs souvent entamés...


