Shadow
A la cour du royaume de Pei, le commandant Yu annonce au roi qu’il va affronter en duel Yang, général d’un royaume adverse. L’enjeu : la ville stratégique de Jingzhou, occupée par les forces de Yang. Le roi est courroucé par cette annonce car il préfère faire la paix et est même prêt à offrir sa sœur en mariage au fils de Yang pour y parvenir. Yu n’est toutefois pas celui qu’il prétend être. Il est la doublure du véritable commandant, qui se cache dans les souterrains du palais, trop diminué physiquement par une blessure pour se montrer au grand jour. Aidé de sa femme, il tente de manipuler la politique du royaume.
Shadow marque-t-il le retour en grande forme de Zhang Yimou ? Répondre par l’affirmative serait aller vite en besogne. Si ce film est meilleur que le précédent, La Grande muraille, le cinéaste n’a pas grand mérite et cette nouvelle réalisation a quelques carences.
Shadow souffre d’une exposition qui tire en longueur. Lorsque celle-ci s’achève, les tenants et les aboutissants des relations entre les différents personnages et les royaumes ne sont pas encore entièrement tirés au clair pour les spectateurs.
Le choix esthétique fort de drainer la quasi-totalité des couleurs des images ne fonctionne pas sur la longueur du film. Dans la première partie qui concentre en quasi-totalité des scènes d’intérieur, seuls les visages des personnages sont colorés. Le reste de l’image est composé d’une palette de couleurs, allant du noir au blanc en passant par les toutes les nuances du gris. Les résultats sont décevants.
Ce choix semble plus s’expliquer par la volonté du cinéaste de coller à la thématique de dualité, le yin et le yang. Il respecte sa thématique jusqu’au bout, Shadow n’est ni tout noir, ni blanc. Le mauvais, le yin, côtoie le bon, le yang. Ce dernier prend l’ascendant dans la dernière partie lorsque les bavardages laissent place aux hallebardarges.
Comme souvent dans les histoires se déroulant dans la période des « Trois Royaumes », les parties en présence font preuve d’une belle imagination dans leurs stratagèmes. L’utilisation de parapluies en acier transformés en armes mortelles, mais aussi comme moyens de déplacement, fait ici sensation.
Sans abuser d’un montage archi-découpé, Zhang Yimou parvient à mettre le spectateur sous tension pendant l’assaut du village, qui se déroule en même temps que le duel entre le commandant et le général.
Les extérieurs et les combats se prêtent mieux aussi aux expériences de colorimétrie de Zhang Yimou.
Dans un cinéma où les films à grand spectacle ont souvent une fibre nationaliste bien marquée, la morale de Shadow participe à son attrait. Le cinéaste dénonce l’effet corrupteur de la recherche du pouvoir à tout prix ; au risque de faire souffrir ses plus proches et de se détruire soi-même. Or Shadow sort à une époque où le président chinois Xi Jinping détient dans ses mains plus de pouvoir qu’aucun autre de ses prédécesseurs depuis Mao Tse-toung.
Shadow a été diffusé à l’occasion de la 25ème édition de L’Étrange Festival.






