Shadow of the Wraith
Tout le monde n’est pas Christopher Nolan, auteur-réalisateur brillant capable de renforcer le sans-faute à chaque nouveau film. Toshiharu Ikeda, au hasard, connaît quelques hauts remarquables – avec notamment Evil Dead Trap et Hasami Otoko -, d’autres plus mesurés – Scorpion Woman Prisoner : Death Threat – et un certain nombre de bas, ses talents picturaux échouant régulièrement à masquer la vacuité de métrages plan-plan. Lorsqu’il les place au service promotionnel d’un duo de frangins musiciens – Doggy Bag, soit de la musique sous forme de restes un peu fades à emporter, aka les frères Matsuo – le temps d’une fausse anthologie horrifique qui les confronte aux sœurs Miwa (Hitomi est notamment connue pour sa prestation dans le Crazy Lips de Hirohisa Sasaki), on est en droit de s’attendre à peu de choses ; l’avantage étant donc de ne pas être déçu.
Shadow of the Wraith - auquel on préfèrera le titre alternatif Campus Ghost Stories qui reflète mieux la dualité narrative de ce métrage composite – comporte donc deux histoires, une pour Koji et Hitomi, l’autre pour Yuichi et Asumi. La première est une sombre histoire de doppelgänger, malheureusement sans Kôji Yakusho, dans laquelle Ryoji, lycéen convoité de la gente féminine, devient bien malgré lui l’objet de l’affection obsessionnelle de l’étrange Asaji, qui semble avoir la faculté d’être dans deux endroits différents en même temps. Bien entendu, Miss Ubiquité supporte mal le succès de l’endive musicale auprès des autres étudiantes, et morts brutales s’en suivent. La seconde histoire, elle, située quelques temps après la première, voit Kazuhiko, le frère de Ryoji, assister la nouvelle venue Naoko dans la confrontation avec un spectre infantile qui hante son placard. La première partie laisse en effet entendre que Kazuhiko en connait un rayon en matière de surnaturel ; ce qui est plutôt cool pour Naoko, qui a toutes les raisons d’être superstitieuse, menacée par un tic-tac-toe morbide. Alors que, dans leur maison précédente, tous leurs voisins sont décédés dans d’étranges circonstances en effet, ce sont désormais les familles occupant la verticale de leur appartement qui sont frappées par le sort. Poissarde, la jeune femme.
La matière de ces deux histoires n’était peut-être pas encore trop éculée en 2001 – encore que – mais il est certain qu’elle l’est aujourd’hui. Heureusement, pour un temps du moins, Ikeda veille au grain et s’applique, comme l’illustre d’emblée une succession de trans-trav gratuits dans un lycée déserté, pour transcender un scénario pauvret. La réalisation du premier segment lui confère ainsi un intérêt bien supérieur à ce qu’il mérite, que ce soit au cours de la première rencontre avec la déconcertante Asaji, nimbée de poussière et de sonorités seventies façon Goblin, ou dans ses manifestations fantastiques. Lorsque Hitomi Miwa s’élève au-dessus de l’une de ses victimes féminines, le soin porté par Ikeda à la composition relève de l’estampe, et incarne un instant de grâce similaire à l’absurde lévitation de Maria de Medeiros dans l’Airbag de Juanma Bajo Ulloa.
On ne peut toutefois pas en dire autant de la seconde partie, pénible récit de maison hantée sans queue ni tête, qui ne parvient jamais à susciter autre chose que le rire involontaire. En dehors d’apparitions fugaces d’un enfant au visage partiellement squelettique, le fantastique se résume en gros à des magnets qui se déplacent seuls sur un frigo, en complément d’une porte de placard capricieuse... Au cas où le film aurait été vendu en deux morceaux, on se refait même la prestation scénique de Doggy Bag imposée dans la première partie, preuve flagrante d’un manque de contenu et d’inspiration. Et Ikeda n’essaye même plus d’imposer sa caméra, en dehors d’une latéralité souvent pertinente dans l’espace réduit de l’appartement de Naoko, pour tromper le spectateur. A quelques jolies scènes près, concentrées dans sa première heure, Shadow of the Wraith ne peut donc être recommandé qu’aux complétistes d’Ikeda, ou aux midinettes timorées fans de Doggy Bag, deux ensembles démographiques sans intersection logique. Les amateurs de frissons sanguinolents eux, sont invités à se rasseoir devant les Evil Dead Trap.
Shadow of the Wraith est notamment disponible en DVD zone 2 UK, sous-titré anglais, pour une somme raisonnable.




