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Chine | Festival du film asiatique de Deauville 2006

Shanghai Dreams

aka Qinqhong | Chine | 2005 | Un film de Wang Xiaoshuai | Avec Gao Yuan Yuan, Li Bin, Yan Anlian, Wang Xueyang, Qin Hao

Dans la Chine du début des années 1980, Qinqhong, 19 ans, est harcelée par son père pour qu’elle se consacre totalement à ses études. Il tient absolument à ce qu’elle entre à l’université et quitte le village. Au cours des années 1960, lui et sa femme se sont portés volontaires pour travailler dans des usines situées à la campagne. Ne supportant plus cette relégation, le père rêve de retourner dans sa ville natale, Shanghai, mais la direction de l’usine s’y oppose.

Le film se déroule à une époque charnière pour la Chine et Qinqhong. Après le tunnel de la révolution culturelle, Deng Xiao Ping a amorcé la libéralisation de l’économie et l’ouverture du pays au reste du monde. Même dans les provinces reculées, certains adolescents ont échangé le col Mao contre le col-pelle-à-tarte et les pantalons à pat d’éph’, et les filles, les sages coiffures à cheveux lisses pour des permanentes. Attention toutefois aux coups de ciseau des cerbères du parti, car cette évolution ne plaît pas à tout le monde. Le père de Qinqhong perçoit lui ces changements comme un nouvel espoir de quitter cet exil intérieur.

Qinqhong vit cette phase délicate du passage à l’âge adulte sous la pression d’un père irascible. Obnubilé par la réussite scolaire de sa fille, et en colère contre lui-même pour ne pas avoir suivi les conseils de ses parents en s’exilant volontairement à la campagne, il ne la laisse pas respirer. Pas question pour Qinqhong de se faire compter fleurette par son amoureux originaire du village, ses lettres d’amour sont détruites et ses cadeaux sont jetés dans la rue. L’intransigeance du père fait écho à celle du parti qui régente la vie sociale. Le réalisateur illustre la pression à laquelle est soumise Qinqhong par l’intermédiaire de cadres dans le cadre. Lors de plusieurs éruptions de colère du père, la jeune fille est filmée assise sur son lit, encadrée par les huisseries de la porte de sa chambre et les montants de son lit.

Heureusement, sa meilleure amie, jeune femme plus libérée et aux parents plus compréhensifs, arrive à lui aménager des instants de liberté. Elles peuvent toutes les deux fréquenter les bals clandestins où les jeunes gens et les jeunes femmes ne dansent pas ensemble (ou presque) sur de la musique « bourgeoise ».

Le film de Wang Xiaoshuai aurait pu facilement tomber dans le racolage, mais le réalisateur nous offre un film pudique. Lors des scènes les plus chargées d’émotions, la caméra reste à distance respectable des personnages. Elle semble même parfois hésiter à les suivre pour les laisser un instant dans l’intimité du hors champs.

Shanghai Dreams se termine comme s’annonce le début d’une pièce de théâtre. Dernier souvenir emporté par le spectateur au-delà de la salle obscure, son écho prend d’autant plus d’importance. La Chine s’éveillait à l’orée des années 80 mais la nature du régime n’avait pas fondamentalement changé, semble suggérer le réalisateur. L’empire du Milieu a encore plus évolué depuis lors, mais cette morale demeure toujours valable.

Présenté dans le cadre du 8ème Festival du film asiatique de Deauville, Shanghai Dreams est sorti sur les écrans français le 15 mars 2006.

- Article paru le vendredi 17 mars 2006

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