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Japon | Nippon Connection 2011

Shirome

aka シロメ | Japon | 2010 | Un film de Koji Shiraishi | Avec Koji Shiraishi, Ayaka Sasaki, Momoka Ariyasu, Kanako Momota, Siori Tamai, Reni Takagi, Hayami Akari

Si le fulgurant Grotesque fait figure d’exception dans la filmographie de Koji Shiraishi (Kuchisake Onna), protubérance hardcore remarquable et détestable en proportions égales, le reste de son œuvre se partage équitablement entre le J-horror classique et le faux documentaire horrifique. Son dernier film en date, Shirome, est une variation déconcertante sur cette seconde figure. Le réalisateur y incarne son propre rôle, assigné à la mise en boîte d’un TV special pour l’un des groupes montants de la scène J-Pop, Momoiro Cover - plus connues sous la contraction Momoco. Ce programme s’inscrit dans une veine sensationnaliste, qui explore la mythologie des légendes urbaines nippones ; ici Shirome, esprit aux yeux révulsés que l’on pourrait contacter de-ci de-là au Japon dans des bâtiments délaissés, portant sur l’un de leur mur un singulier papillon, et qui aurait le pouvoir d’exaucer le vœu de quiconque le sollicite. A condition que le demandeur soit pur ; le cas échéant, la requête se solde par un aller simple pour l’enfer. L’objectif du special Momoco, est d’emmener le sextet de midinettes dans un bâtiment supposé être l’un des points de contact de Shirome, dans lequel un certain nombre de morts ont eu lieu ces dernières années. Sur place, elles devront entonner leur nouveau tube avant de solliciter l’esprit, pour qu’il accomplisse leur vœu le plus cher : participer au Kohaku Song Battle, mètre-étalon de la pop nippone diffusé chaque année le soir du réveillon. L’originalité de Shirome tenant au fait que les filles de Momoco ne savent pas qu’elles sont, en réalité, manipulées au sein d’une œuvre de fiction. L’objectif du film est donc double : faire peur au spectateur, certes, mais surtout faire peur à ses victimes kawai.

Cette seconde facette de Shirome est de loin la plus réussie. Nos protagonistes, toutes âgées de 14 à 16 ans, sont des victimes de choix pour un Shiraishi que l’on n’imaginait pas si méchant. Ces héroïnes du weekend – les chanteuses poursuivent toutes leurs études, et travaillent leurs chorégraphies sur leur temps libre -, le réalisateur les malmène sans hésitation. Alors qu’elles étaient tranquillement en train de répéter, Shiraishi débarque pour leur exposer le projet, leur impose le récit d’un conteur spécialisé dans le paranormal qui se termine en vomissements maléfiques, et les force, en larmes, à passer la nuit sur place avant de prendre la route pour une école abandonnée – symbole, s’il en est au Japon, du fantastique horrifique. La démarche est d’autant plus cruelle que les filles paraissent toutes très superstitieuses ; la charmante Hayami Akari (qui a depuis quitté la formation), 15 ans, notamment, est persuadée de ramener avec elle tous les mauvais esprits qu’elle croise. Au point que, avant de pénétrer dans l’école, elle explicitera l’intention de ne pas se laisser posséder ; sous-entendu « pour une fois ».

Ce qui peut surprendre, c’est que, coûte que coûte, ces petites stars terrorisées jouent le jeu. C’est avec le sourire qu’elles finissent toujours par exprimer leur opposition fondamentale au projet, et rien ne semble pouvoir les détourner de leur objectif final. Lorsque le réalisateur leur demande, but en blanc, si elles seraient prêtes à vendre leur âme au diable pour participer au Kohaku Song Battle, elles sont interloquées ; non pas parce que le concept les terrifie, mais parce qu’elles n’avaient jamais envisagé cette solution pour atteindre leur rêve. L’une d’elles demande alors « Serions-nous toujours vivantes ? », et lorsque Shiraishi confirme leur survie, toutes acceptent la proposition sans l’ombre d’une hésitation. Dès lors, par bêtisé, générosité ou abnégation, je ne sais pas, elles joueront le jeu de Shiraishi, ravaleront leurs larmes, et n’hésiteront pas à chanter l’un de leurs tubes dans l’école abandonnée (une scène proprement surréaliste), en dépit de supposés poltergeists et autres coupures de courant programmées.

C’est là ce qui étonne le plus dans Shirome qui, finalement, est un vrai documentaire non pas d’horreur, mais socio-culturel ; quoiqu’il terrifiera sans doute le néophyte, hermétique à la smile attitude outrancière de la J-Pop juvénile, et aux présentations musicales de chacune des membres de Momoco. Dans sa façon de s’adresser au spectateur complice, Shirome ne suscite aucune crainte réelle, tout au plus une légère contagion de la terreur, réelle, des candidates - ce qui, vous l’avouerez, est assez pervers. En ce sens, c’est une réussite de voyeurisme, récit sympathique d’un supplice cheap infligé à de jeunes innocentes (Shiraishi haït-il la J-Pop à ce point ?). En tant que film d’horreur par contre, les derniers soubresauts du métrage, qui tentent de jouer la carte d’un surnaturel qui dépasse enfin le cadre de la manipulation de Shiraishi, après l’aveu de sa supercherie, résument bien le parfait égarement de Shirome, hybride intéressant mais relativement insaisissable.

Shirome a été présenté au cours de la 11ème édition du Festival du film Japonais de Francfort Nippon Connection (2011).
Remerciements à Dennis Vetter et Dimitri.

- Article paru le lundi 9 mai 2011

signé Akatomy

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